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Les Anarchistes ont une arme

les bibliothèques
Le jeudi 13 février 2003.

Quiconque s’est investi dans une lutte, qui implique un changement dans la société ou dans les mentalités, est conscient de l’importance que l’information a pour les gens, combien le fait d’accéder à différents points de vue est vital. Les centres d’information de sensibilité libertaire, dont l’ouverture et la persistance est une constante du mouvement anarchiste, ont un rôle clair avec la réappropriation du passé, mais aussi ont été — et sont — des centres vivants, qui éditent des ouvrages et collectent la littérature actuelle qui circule seulement par des canaux alternatifs, en plus de permettre à ceux qui en ont besoin l’accès à l’information électronique. C’est ainsi qu’ils jouent le rôle d’espaces de rencontre et de socialisation, qu’ils sont gérés et se maintiennent par le travail et des apports volontaires.

À la fin du XIXe siècle, en pleine expansion de la pensée libertaire, les syndicats et les fédérations anarchistes ont mis beaucoup de forces dans la création d’athénées et de bibliothèques. Malgré la précarité des moyens et le taux élevé d’analphabétisme, ils arrivèrent à regrouper des dizaines de milliers d’ouvriers autour de ces maisons de la connaissance libre. L’édition et la diffusion de matériels, entre autres, furent une activité fondamentale pour eux, ce qui distingue les groupes anarchistes des autres, jusqu’à présent. Fréquemment, la lecture collective ou publique était le moyen le mieux adapté pour diffuser l’idée anarchiste. Aujourd’hui, s’adaptant à son temps, le mouvement acrate a développé des salles alternatives de lecture appelées infoshop, continuant ainsi la tradition du travail bénévole et de l’autofinancement, et mettant à disposition des intéressés la littérature radicale, les revues ou les fanzines édités par les groupes de diverses villes ou pays, utilisant l’Internet comme outil. Dans le même temps, ils tissent des réseaux de solidarité et de travail commun.

Cette vocation formatrice et autodidacte, qui passait forcément par la mise en pratique d’une nouvelle pédagogie, fut obtenue il y a cent ans alors que les groupes anarchistes se lançaient dans des sujets qui sont devenus essentiels pour la connaissance d’aujourd’hui (écologie, sexualité, médecine alternative, etc.). Au début du siècle passé, les anarchistes se sont distingués par leur grande capacité d’anticipation, ce qui a suscité le respect et l’admiration de leurs adversaires. Leurs théories trouvaient de l’écho dans les athénées ouvriers et dans leurs bibliothèques, où il n’était pas seulement possible de trouver des textes libertaires, mais aussi des ouvrages de connaissance générale. La diversité et ses contrastes permettaient à chacun de prendre consciemment ses propres décisions dans son voyage personnel vers le savoir.

Le mouvement anarchiste, depuis toujours, a eu avec les bibliothèques un outil pour la formation et la diffusion des idées. L’enseignement continu et l’autoformation sont des secteurs où les libertaires ont démontré que la création de bibliothèques est un élément indispensable pour toute transformation de la société. Sans ressources, avec le travail bénévole et en commun, l’impression de livres et leur gestion en bibliothèques a été et reste un exemple réel de ce que la société n’a pas voulu encourager sous prétexte d’utopie.

Bibliothèques représentatives du mouvement libertaire ibérique et d’Amérique latine

Biblioteca Social Reconstruir (Mexique)

Au début de la décennie 1980, Ricardo Mestre édite des livres et des revues de contenu libertaire. Dans son bureau, il rassemble des collections d’autres publications et, dix ans plus tard, le bureau se transforme en une bibliothèque ouverte au public deux jours par semaine. La Biblioteca Social Reconstruir compte deux sections, l’une anarchiste et l’autre générale. La collection libertaire est très précieuse ; on découvre là des livres aujourd’hui difficilement trouvables, par exemple les premières éditions de Ricardo Flores Magón, ou les premières éditions de Proudhon ou d’Élisée Reclus. La bibliothèque comporte 530 publications périodiques et 600 volumes de textes anarchistes. Après la mort de Ricardo Mestre, la BSR est maintenue par le mouvement anarchopunk de la capitale, spécialement par le collectif auquel appartiennent Héctor Hernández et Marta García qui organisent des concerts et vendent des fanzines pour pouvoir faire face aux coûts occasionnés pour la survie du lieu.

Biblioteca Social Reconstruir Morelos nro. 45, despacho 206, Ciudad de México.

libertad@mail.internet.com.mx

Biblioteca Popular José-Ingenieros (Argentine)

Après la dictature de Uriburu, Agustin Justo se trouva au pouvoir en Argentine et continua la répression contre le mouvement ouvrier en général et, notamment, contre les anarchistes. Le 1er juillet 1935, des militants anarchistes et socialistes décident de fonder une bibliothèque dont le premier local fut un petit garage situé avenue Juan de Garay, à Buenos Aires.

Au fil des années, elle se fixera dans son local actuel, rue Juan Ramírez de Velasco, où les socialistes arrêtent de venir. Les premiers promoteurs se comptaient dans les rangs de la Fédération ouvrière de la chaussure, adhérente à la FORA, le syndicat anarchiste argentin, et parmi les éditeurs du journal La Protesta. La bibliothèque souffrit d’innombrables tracasseries et de fermetures, mais les militants ont persévéré dans leur effort pour maintenir les portes ouvertes.

Biblioteca Popular José-Ingenieros, Juan Ramírez de Velasco, 958, 1414 Buenos Aires

Biblioteca-Archivo de Estudios Libertarios BAEL (Argentine)

La BAEL est tenue par la Fédération libertaire argentine (section de l’IFA), dont les origines remontent aux années cinquante quand la Fédération anarcho-communiste argentine changea de nom. Au siège de la Fédération s’est accumulée pendant des décennies une grande quantité de publications et de livres en relation avec le mouvement anarchiste, tant d’Argentine que d’autres pays.

Dans ses collections, on remarque des revues ou des publications périodiques, quelques-unes célèbres comme La Revue blanche, Les Temps nouveaux, La Protesta et l’organe de la FLA, El Libertario de Buenos Aires.

Biblioteca-Archivo de Estudios Libertarios, Brasil 1551, 1159 Buenos Aires

Centro Cultural Biblioteca y Archivo Luce-Fabbri (Uruguay)

Des compagnons uruguayens ont récemment baptisé le centre d’archives en développement du Grupo de Estudios y Acción Libertaria et de la revue Option libertaire du nom de la compagne Luce Fabbri, décédée il y a deux ans et grande militante de la diffusion de l’anarchisme dans ce pays. Cette bibliothèque compte un important stock de livres, de journaux, d’hebdomadaires, de revues et de correspondance collectés durant des années.

Centro Cultural Biblioteca y Archivo Luce-Fabbri, Casilla de Correos 141, Montevideo

Fundación Anselmo-Lorenzo (Madrid)

Anselmo Lorenzo fut l’auteur du Prolétariat militant, livre de proue de l’anarchosyndicalisme espagnol. Le fonds bibliographique du centre de documentation qui porte son nom dépasse les 10’000 titres et compte 2’500 publications libertaires, dont un grand nombre date d’avant 1940. La FAL compte une intéressante vidéothèque, formée à partir de diverses sources, dont le matériel déposé par le Syndicat des spectacles publics de la CNT. Il faut souligner l’édition de divers livres, dont les titres dépassent la cinquantaine, regroupés dans diverses collections ; ainsi que la distribution de nombreux livres de thématique anarchiste publiés par d’autres éditeurs.

Fundación Anselmo-Lorenzo, Paseo Alberto Palacios 2, 28021 Madrid

Centro de Documentación Histórico-Social, Ateneu Enciclopédic Popular (Barcelone)

La fondation du CDH-S date de 1977 sur décision de militants libertaires qui se réunissaient périodiquement à la pizzeria La Rivolta de la rue Hospital de Barcelone. En 1989, ils décident de récupérer l’Athénée encyclopédique populaire (dont l’idée remonte à 1902) avec pour objectif d’aider les classes sociales les plus défavorisées de la société.

Actuellement, ils disposent d’un patrimoine de 23’000 livres et de 7’000 titres de presse. L’Athénée se consacre à la réalisation d’activités culturelles et à l’organisation d’expositions thématiques, de conférences, de débats, de soirées, excursions et récitals de poésie.

Centro de Documentación Histórico-Social, Ateneu Enciclopédic Popular, Passeig de Sant Joan, 26 1r-1,08010 Barcelona

Centro Social Libertario (Venezuela)

Le journal El Libertario encourage les militants, hommes et femmes, les groupes musicaux, les étudiants et les ouvriers à maintenir l’effort pour faire vivre ces centres de la connaissance libre, à continuer la lutte pour élever notre niveau culturel et politique, pour nous et nos égaux.

Tous ces lieux se maintiennent par l’apport volontaire, sans aucun type de subsides d’État ou privés, ce qui fait que tout type de contribution sera la bienvenue.

Des compagnons vénézuéliens ont constitué le Centre d’études sociales libertaires, dont l’objectif premier — entre autres — est l’ouverture d’un centre de documentation. Ils comptent déjà avec un fonds de plus de 1’000 livres et 2’500 publications périodiques de différents pays.

Ils réalisent à présent des activités pour collecter les fonds indispensables pour le loyer d’un lieu et les contacts nécessaires pour augmenter leurs archives. Tout apport économique ou don de livres sera apprécié : compte bancaire Cuenta de ahorros 277-88161-C de la Banco Provincial au nom de Luis Silva ; apartado postal, 49110 Colinas de Bello Monte, Caracas.

centrosociallibertario@yahoo.com


El Libertario est le journal du CRA-AIT (Venezuela)

Traduction : Relations internationales FA


Et à Paris ?

Bibliothèque La Rue, 10, rue Robert-Planquette, Paris 18e (M° Blanche ou Abbesses).

Ouvert le samedi de 15 h 30 à 18 heures