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La Grande muette pleine de réserves

Le jeudi 27 novembre 2003.

En écoutant la radio, je suis tombé là- dessus : le 23 octobre 2003, c’est la Journée du réserviste. Tiens, ça existe encore ? Eh bien, malheureusement, oui ! Il y en a même environ 30 000 en France. Mais qui peut bien vouloir faire ça ? Des fondus a priori, et qui en redemandent de toute évidence : des anciens militaires, des retraités de l’armée (pas à 37,5 annuités mais à 37,5 ans… salauds de bidasses), des gagas de combat rapproché par la boue et le cirage sur la figure, des passionnés de l’armée… Tous des graines de, je cite le ministre, « citoyens responsables qui ont pris conscience que c’est important de défendre son pays ».

Pendant la Guerre froide, l’armée française c’était un million « d’hommes » (on n’est plus à une dérive sexiste près dans l’armée). Aujourd’hui, avec la professionnalisation, c’est 450 000 « hommes », réservistes compris. La situation est grave maréchal ! C’est la pénurie. Eh oui, malgré des campagnes de publicité plus grotesques les unes que les autres, on pourrait presque parler de crise. En effet, il fut une époque où la situation était confortable. Beaucoup de jeunes, obligés de faire leur service militaire, rempilait quand il se finissait ; l’armée était pour eux la seule perspective d’avenir professionnel. à 18 ans, avec un faible niveau d’études, les laissés-pour-compte de l’enseignement technique et professionnel trouvaient là un « métier », un revenu correct, un esprit de « famille » ; et s’engageaient ainsi pour quelques années. C’est aussi un des mécanismes de la soumission-domination, où dans certaines circonstances, on va justement chercher une autorité et un cadre pour s’y soumettre.

Avec la professionnalisation, les recrutements se font beaucoup plus pointus. Comme n’importe quel employeur du privé, l’armée cherche et recrute des compétences. On ne s’engage plus dans l’armée, c’est l’armée qui recrute. Enfin ! pourrait-on dire, l’armée n’est plus à la mode ? Difficile de le savoir en pleine dérive sécuritaire. Selon le ministre, il faudrait, d’ici à 2012, doubler les effectifs de tous ces galonnés, engagés ou occasionnels du dimanche, pour pouvoir défendre les intérêts du pays sereinement… (sic ! en Afrique et au Proche-Orient ?).

Alors qu’aujourd’hui on est choqué de voir le budget de la Défense dépasser celui de l’Éducation, la tendance risque encore de s’aggraver.

L’Enseignement a du souci à se faire. Les prémisses sont pourtant là avec deux faits marquants très clairs : l’entrée des retraités de l’armée comme assistants d’Éducation dans les collèges et lycées, et l’entrée de la Journée du citoyen dans les lycées. Les lycéens n’ont même plus à se déplacer dans les casernes, elles viennent à eux. C’est donc une transformation profonde de la société qui se profile, un état de plus en plus militariste. Et le faux discours électoraliste sur la sécurité abonde dans ce sens. Les militaires sont considérés comme des professionnels de la sécurité. On les retrouve dans les compagnies privées de sécurité, dans les médiateurs sociaux (au vu de leur retraite précoce), dans les écoles sous diverses formes, bientôt qui sait dans des faux corps de police ou de juges de proximité…

Pour les réservistes, histoire de finir sur une note cocasse, un des principaux problèmes est que peu de patrons acceptent de libérer leurs salariés plus de 30 jours dans l’année pour faire les guignols en uniforme. On est tenté de se laisser aller dans le loufoque ! Dans une optique d’unité, concept cher aux libertaires, une union est à développer avec le Medef ! Medef et antimilitaristes contre la Réserve ! À bas toutes les armées. Point barre.

Julien, FA Strasbourg