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Convulsion sociale en Bolivie

Le jeudi 23 octobre 2003.

La répression sanglante contre le mouvement de protestation sociale en Bolivie a causé la mort de plus de 80 personnes. La démission du président Sanchez de Lozada, remplacé aussi sec par son vice-président Carlos Mesa, n’est pas l’assurance d’un retour au calme. Il ne suffit pas de changer la tête de l’État pour faire croire que la situation va s’améliorer dans un pays où les deux tiers de la population vit sous le seuil de pauvreté. À ce jour, les manifestants ont d’ailleurs décidé de maintenir les barrages, refusant d’accorder une confiance aveugle à ce nouveau dirigeant.

Retour sur une contestation qui évolue chaque jour, à travers deux articles témoignages.



Depuis maintenant quatre semaines, de nombreux secteurs de la société civile bolivienne sont mobilisés en opposition à l’exportation du gaz vers les États-Unis, provoquant une grave crise politique et sociale, dont le contrôle échappe au gouvernement.

Les paysans de la région de l’Altiplano bloquent les routes principales avec l’objectif de couper la capitale administrative, La Paz, de tout contact avec le reste du pays. Ces actions ont donné lieu à de durs affrontements avec les forces de l’ordre, qui se sont soldés par la mort d’environs six personnes, dont un enfant de sept ans.

Les conflits se sont encore durcis avec l’entrée de la ville de El Alto en « grève civique », décrétée par la Fédération des associations vicinales (Fejuve) dans cette ville de plus de 650 000 habitants, surplombant la vallée de La Paz. Depuis cinq jours maintenant, toute la ville de El Alto est paralysée, cette mesure affecte directement la capitale administrative, qui lui est contiguë. Suite à l’annonce du début de la grève, l’armée a envoyé des troupes équipées d’armes de guerres et accompagnées de tanks pour se positionner aux endroits stratégiques des deux villes voisines, créant un véritable climat de guerre civile.

Les manifestations et affrontements à El Alto ont causé, seulement pour la journée d’hier, la mort d’au moins trente personnes, d’après les représentants de l’Assemblée permanente des droits de l’Homme en Bolivie (APDHB), alors que le gouvernement ne décompte officiellement que cinq cas de décès.

Les habitants doivent faire face à une pénurie tant alimentaire qu’en hydrocarbures. Dramatisant cette situation, des attentats aux environs de El Alto visent les centrales électriques et les gazoducs. L’armée a escorté lors de la journée d’hier un convoi de douze camions-citernes, remplis d’essence et de gaz liquéfié, à destination du centre de La Paz. Cette quantité d’énergie pourra satisfaire les besoins de la ville durant un peu plus de vingt-quatre heures et à coûté la vie de plusieurs personnes qui tentaient d’empêcher son passage.

La mobilisation populaire exige la démission du président de la République, Gonzalo Sánchez de Lozada, l’industrialisation des réserves naturelles de gaz bolivien, un référendum au sujet de l’exportation du gaz et l’abrogation de la loi hydrocarbures, entre autres.

Les maisons portent le deuil, suite à la mort d’un enfant de cinq ans, lors des derniers affrontements. Ambulances et journalistes ont de grandes difficultés à se rendre sur les lieux des affrontements, la situation confuse est accentuée par de nombreuses rumeurs au sujet de la démission du vice-président, d’un coup d’État, de mutineries dans les casernes de la police et de l’armée, de pillages, etc. La nuit, les rues des différents quartiers de El Alto sont illuminées par les feux allumés par les habitants armés de bâtons, en vigie contre les éventuels pillages ou interventions policières.

Les boulangers, charcutiers, chauffeurs et professeurs sont entrés dans une grève qui durera plusieurs jours, les blocages de routes s’étendent, d’autres régions du pays se joignent aux mobilisations alors que le président de la République annonce en début d’après-midi qu’il ne démissionnera sous aucune condition.

Louis Jazz


El Alto, le 13 octobre