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L’Économie sociale et solidaire

la roue de secours du système capitaliste
Le jeudi 10 juin 2004.

L’économie sociale et solidaire va demain, selon les dires de certains économistes ou hommes politiques (socialistes, écologistes, etc.) régler tous les problèmes.

Ce système économique salvateur propose de replacer l’homme au cœur du système économique et se veut innovant. Vaste programme…

L’économie sociale et solidaire est aussi souvent appelée le tiers secteur ou la troisième voix (entre le système privé et le système public).

Des manipulateurs voudraient nous faire admettre que l’économie sociale et solidaire est la synthèse de deux courants de pensées. L’économie sociale, issue des mouvements ouvriers du XIXe siècle (coopératives, mutuelles, associations) qui s’est développée comme une opposition au libéralisme. Et l’économie solidaire, qui correspond à une réaction de la société civile face à la montée de l’exclusion sociale qui grandit depuis les années 1970.

Qu’en est-il aujourd’hui de ce système pervers ? Il se divise en deux secteurs d’activité :

  • Les coopératives, les banques, les mutuelles, qui représenteraient l’économie sociale.
  • Le secteur associatif, qui représenterait l’économie solidaire.

Il s’agit de plus de 750 000 euros et organismes concernés : 19 000 coopératives (hors coopératives de crédits), 17 mutuelles d’assurances, 3 000 mutuelles de santé, 730 000 associations.

Hormis le secteur associatif, les mutuelles et coopératives n’ont rien à envier à leurs sœurs jumelles, les entreprises privées. Elles sont également animées par toujours plus de profit et n’ont rien de social ni de solidaire. Le nombre de salariés est important, 1 800 000 au total dont 1 200 000 pour le secteur associatif. Leur chiffre d’affaires : 760 millions d’euros pour les coopératives et 410 millions d’euros pour les mutuelles.

Que penser du Crédit Agricole qui gère plus de 1 000 milliards de francs via plus de 15 millions de comptes ? Il est aujourd’hui côté en bourse et son capital dilué par l’absorption du Crédit Lyonnais.

Le salaire de son PDG en 2003 a connu une augmentation de plus de 37,6 % par rapport à 2002. Il n’a pas encore de stock options mais cela ne saurait tarder.

40 % des dépôts en banque proviennent des composantes de l’économie sociale et solidaire. On peut le voir, c’est une logique capitaliste qui est en place dans le cadre de l’économie sociale et qui n’a rien de solidaire. Tous ces requins gravitent autour du système associatif qu’ils essayent d’attirer à eux du fait de leur fragilité. à partir des années 1980 et face à la montée et à l’aggravation de la crise (chômage très important), de nombreuses associations dites d’insertion ou de réinsertion, de développement de commerce solidaire et équitable, des réseaux d’échanges se sont constitués.

Voilà aujourd’hui les deux nouvelles familles qui nous sont présentées comme innovantes par des hommes politiques d’arrière-garde.

Pour les salariés de l’économie solidaire, les conditions de travail sont très souvent dignes du xixe siècle. Les responsables de ces associations se comportent très souvent de façon pire que des patrons de choc (licenciement, non-respect du droit du travail, paternalisme éhonté).

Ces associations sont un véritable vivier de main-d’œuvre bon marché pour les entreprises dites traditionnelles et elles ne s’y trompent pas. Sous le prétexte d’évaluer en milieu de travail « dit normal » les personnes en insertion sont dirigées vers les entreprises et mises à disposition pendant 3 à 6 mois. Les élus dans les collectivités territoriales ne sont pas en reste, ils ne se gênent absolument pas pour employer par le biais de ces associations des personnes pour leur faire exécuter les plus sales besognes ; récurage de fossés, nettoyage des berges, des rivières, ramassage de papiers dans la rue, etc.), et cela à moindre coût. Le secteur HLM n’est pas en reste : quelle aubaine de pouvoir faire entretenir ces bâtiments, cages d’escaliers, locaux, poubelles, espaces verts, par les habitants des cités mis à disposition par des régies de quartier.

Au bout du compte, le dindon de la farce, c’est toujours le salarié, qui, malgré quelques promesses, ne décroche que très rarement un emploi définitif.

Vouloir réaliser un projet de société en tentant de réconcilier l’économique, le social et le solidaire par la réalisation d’une hybridation de l’économie capitaliste et publique comme le proposent ces orviétans, est une vaste tartufferie. Et ce n’est pas en employant des concepts tel que le développement durable qu’ils me convaincront. Car le système que vous suggérez ne propose pas d’éradiquer le capitalisme, bien au contraire. Vous l’amendez, lui permettez de toujours plus exploiter, de s’enrichir, et surtout de perdurer.

Que vous le vouliez ou non, ce système hybride fait partie intégrante du système capitaliste français. C’est pourquoi, nous les libertaires, nous avons raison de dénoncer tous les systèmes d’exploitation sans exception.

Aujourd’hui, ce ne sont pas des syndicats réformistes qui ne font que le jeu du patronat et des politiques qui nous permettront de changer radicalement les choses et de repousser les limites du renoncement et de la misère humaine. Comme disait Proudhon au XIXe siècle , la question sociale est posée : il ne s’agit plus de transformer les pouvoirs politiques mais bien de les subordonner au monde du travail. Dans sa théorie des conseils ouvriers, Proudhon fait de cette nouvelle représentation de la grande entreprise un lieu non seulement de production mais aussi un lieu social de formation, de participation, de démocratie, de réalisation de soi et des libertés concrètes.

Justhom