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Tout savoir sur l’été 97

Le jeudi 4 septembre 1997.

Contrairement à ce que médias et politiciens tentent de nous faire avaler, l’été n’est pas une saison calme sur le front social. Même sous le soleil, l’exploitation continue, avec son lot d’arnaques, de misères supplémentaires mais, heureusement aussi, de révoltes. À ceux qui pour différentes raisons n’ont pu suivre l’actualité estivale, voici quelques faits importants.

Tout d’abord, pour notre hexagone, il y a eu la préparation du budget 98. Comme toujours, il nous faudra serrer la ceinture, un peu plus même cette année, pour rentrer dans le costume Maastricht. Célèbre pour son art du compromis social, Jospin a tenté de contenter tout le monde, par des économies de bouts de chandelles, et surtout de rassurer les capitalistes. Il a trouvé 10 milliards de francs pour ses emplois « jeunes précaires longue conservation ». Quel exploit financier alors qu’au mois de juillet, les échanges boursiers à Paris ont dépassé 240 milliards de francs ! Pour marchandiser les dernières relations humaines de notre société et exploiter encore un peu plus les jeunes, Jospin a pris 3,8 milliards à notre armée de mercenaires, sur son propre budget qui est de… 243 milliards. Quel antimilitarisme ! Chirac et les syndicats CGT, CFDT, FO de GIAT industries pourront grogner ensemble en cette rentrée… La connerie plurielle, ça existe aussi.

Derrière ce futur faux débat, les projets de privatisation galopent. La restructuration financière d’EDF est désormais chose faite pour « préparer à la concurrence », comme il est dit poliment. Air France est dans le collimateur. Le fric lui n’a pas, comme les travailleurs, à attendre patiemment les jours meilleurs. Le parti communiste digère tout cela en appelant ses militants « à apporter des réponses inédites aux problèmes du pays en passant par l’invention d’une voie citoyenne de la transformation sociale [1] »… Ce qui en clair veut dire, pédaler dans le yaourt en attendant d’autres consignes de R. Hue. Les députés PC sont parfois mécontents (mais si !) et développent même la lutte de lettres contre Jospin comme l’a fait leur président Alain… quel combat n’est-ce pas ? Cet été, le rayon « fracture sociale » n’a pas été en manque d’articles. En effet, alors que 92 % des demandeurs en attente de HLM gagnent moins de 7 500 francs par mois, que les loyers ont grimpé de 4,6 % entre 93 et 95, le commerce de luxe s’offre de la grande surface à Paris. Vuitton, Armani vont ouvrir des magasins de 1 200 m². Et oui, tant qu’il y aura de l’argent, il n’y en aura pas pour tout le monde. Ceci a bien été compris par le groupe d’assurance AXA qui a préparé pour la rentrée son projet sécurité sociale privée. Tout cela légalement dans le cadre du plan Juppé plus que jamais en vigueur (tous ensemble, tous ensemble, on va l’oublier ?).

Notons également qu’en plus de l’overdose estivale catho et même cathodique (veillée baptismale retransmise sur France 2), la cour d’appel de Lyon à reconnu à la secte de la scientologie le titre de religion… Et dire que certains voudraient confier l’antiracisme aux lois de la justice ! À ce propos, là encore, un événement plein de leçons, à Marseille. Dans le quartier Ruisseau Mirabeau une altercation entre des ados et un adulte s’est terminée par le meurtre de ce dernier. Comme à leur habitude, militants et élus du FN ont tenté de récupérer cela lors des obsèques.

Refusant une réponse raciste, la famille, les habitants du quartier les ont éjectés physiquement, donnant une réponse basée sur une appartenance de classe en dénonçant « ce meurtre qui est un drame de la misère, provoqué par des jeunes violents livrés à eux-mêmes qui croupissent dans des cités délabrées où personne ne fait rien ». Cela prouve d’une part combien la revendication d’égalité économique et sociale est forte et que de l’autre la solution des socialistes de mettre 35 000 jeunes adjoints de la sécurité dans les quartiers pauvres ne pourra éteindre les flammes de cette révolte émancipatrice, bien au contraire…

Cet espoir de justice sociale, on le retrouve au États-Unis, pays de la prétendue prospérité économique et du modèle à suivre. Le 5 août, 185 000 travailleurs de l’UPS se sont mis en grève durant plus de 15 jours. L’UPS, c’est le numéro 1 mondial de la messagerie rapide (12 millions de colis par jour, soit 5 % du PIB des Etats-Unis). Une grosse boîte donc mais où 60 % du personnel est en contrat à durée déterminée ! Malgré des pressions énormes, leur grève a payé : hausses de salaires, 10 000 emplois à temps plein, retraite en hausse de 50 %, bref un formidable coup de poing contre la précarité instituée au pays de l’oncle Sam. À l’heure de la mise en place d’une nouvelle précarisation de la jeunesse en France, ce réveil syndical des travailleurs américains redonnera-t-il la volonté de créer un mouvement social fort et déterminé ? Personne n’est devin, mais en tout cas, le rouleau compresseur capitaliste n’a pas encore tout écrasé. Contrairement aux idées ambiantes, la lutte de classe, ça existe encore, même aux « states ». Rappelons la dernière tache tombée cet été sur « le pays de la liberté ». Les flics de New-York ont violé, tabassé un Haïtien de 33 ans (déchirure du colon, de la vessie, dents arrachées…). Une bavure de plus que le maire Rudolph Giulani ne pourra couvrir cette fois-ci. Les plaintes pour violences policières ont augmenté de 25 % depuis trois ans à New-York. La police vous protège, mais qui vous protégera de la police ?

Pour finir, Clinton et sa bande ont signé un accord avec les républicains pour le prochain budget américain : réduction du taux d’imposition des plus-values du capital (de 28 à 20 %), petite baisse d’impôts pour les classes moyennes et, surtout, réduction de 115 milliards de dollars sur 5 ans des coûts du système medicare d’aide médicale aux plus démunis ! Encore une fois, certains seront plus égaux que d’autres. Comme en France, grâce à Jospin, le match entre un contrat emploi solidarité et un nouvel emploi jeune sera dur, à moins que…

Jaime
groupe Kronstadt (Lyon)


[1Humanité du 13 août 1997.