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Dans la grandeur de notre lendemain n’entre pas le pessimisme

Le jeudi 30 septembre 2004.

L’histoire de chacune et de chacun est la goutte d’eau qui dans sa multitude fait la mer qui recouvre la terre, l’important se résume dans ce que nous partageons et investissons sans avoir peur de regarder nos erreurs, connaître nos faiblesses et aller de l’avant dans ce combat inachevé pour un monde meilleur.

Jean-Jacques Réal comme bien d’autres s’est construit au travers des idées et de son investissement militant, que ce soit au travers de l’espéranto, à la Libre Pensée, la CNT, la FA, pour la libération de la femme, contre les archétypes masculins, dans son travail à l’hôpital et comme malade durant neuf ans ou dans le Centre international d’archives sociales constituant au fil des années une bibliothèque et fonds d’archives qui ont été transférés à la fondation Anselmo-Lorenzo à Madrid. Un matin d’avril, il nous a quittés dignement, et son texte qui suit reste un cadeau pour tous et toutes.



« Aujourd’hui, j’ai vu de grands et beaux papillons. De couleurs, de formes et de tailles diverses. Peut-être vais-je moi-même devenir papillon ? C’est peut-être l’état d’existence originel et éternel. Il existera toujours des chenilles et des papillons. Je me rapproche peut-être de l’état unique ? Viennent-ils me dire que j’ai commencé l’éternelle métamorphose, l’éternel retour complet et final ? Que je suis une chenille d’où naît le papillon ? Que je suis déjà un papillon sans le savoir ? Ai-je leurs ailes, leur souffle et leurs mouvements ? Je me déplace à l’intérieur de la Terre ou sur les chemins. Soudain, j’ai l’impression de ne plus respirer, je palpe mon pouls. Je le sens à peine. Je ne saurais dire avec certitude s’il bat ou pas. Je retiens mon souffle et je regarde la pendule. Trois minutes s’écoulent, je n’ai toujours pas repris mon souffle et je ne panique toujours pas pour aspirer l’air.

Oui. Je ne ressens aucune pression. J’ai la sensation alarmante de ne plus avoir besoin de respirer. On devrait pouvoir se suicider en arrêtant de respirer. Je suis paralysé. Serait-ce ce qu’on appelle la mort ? Je m’arrache de là ! Mon amour ! Ma vie ! Mon souffle ! Il n’est pas possible qu’il m’arrive quelque chose ! Je ne te laisserai jamais seule.

Je me sens terriblement seul. C’est difficile sans mon amour. C’est toujours à lui que je m’adresse quand je parle tout seul, autrement dit, je ne parle pas tout seul mais avec ma baby. Je lui parle quand je parle aux étoiles, aux nuages, au vent, à l’air, à l’obscurité et à la lumière, aux plantes et aux animaux. Quand je parle aux arbres, aux fleurs, aux oiseaux, aux cerfs, aux serpents, aux chats sauvages. Je sens battre mon cœur en eux et je sens battre leur cœur en moi parce que partout comme toujours, c’est à mon amour que je parle. Mon amour. Je sais que j’ai commis beaucoup d’erreurs et que je suis loin d’être parfait. Je sais que j’aurais dû faire des choses beaucoup mieux. J’ai acquis toute la connaissance essentielle qui m’importe à travers toi, et c’est à toi, en grande partie, que je la dois. Je t’admire et veux te protéger. Te rendre heureuse. Te faire rire. Que jamais tu ne pleures, sinon de plaisir. Exaucer tes vœux et tes désirs. Donner ma vie pour toi si c’est nécessaire.

Je sais. Ton âme sait ce que je vais dire avant que j’en parle. Mais tu es encore si petite, ton cœur est si tendre, et je voudrais que tu n’aies pas peur. C’est pourquoi je vais te dire quelque chose, mon amour. Une découverte que j’ai faite depuis la naissance : je suis venu au monde sous forme humaine, mais les étoiles, les soleils, les vents, le feu, les déserts, les forêts, les montagnes, les cieux, les océans et les nuages étaient emprisonnés en moi, et tous les animaux, toutes les plantes, toutes les fleurs. Toi, mon amour, tu as libéré les étoiles et les vents, les soleils et les forêts, les océans, les déserts, les montagnes, les cieux et les nuages qui étaient en moi. Toi, mon adorée, avec ton amour, tu as brisé la prison de mon humanité et laissé les oiseaux s’en envoler… Je dis tout ça au cas où des gens viendraient te dire que je suis mort.

Ne les crois pas. Ils mentent. Un mensonge de plus qu’ils raconteront sur moi. Toi seule connais la vérité : je ne mourrai jamais. Je ne peux être sauvé que par toi. Tu es la vie sauvage, le ciel, les nuages, les étoiles et les vents et les forêts. Tu es les montagnes, le désert, le jour et la nuit, et le soleil, et la glace, et la mer. Ne soit pas triste. Je suis les nuages et les étoiles et les pierres et le sable et la neige, et le soleil, la pluie et le feu, la montagne, la mer et la tempête… Je te réchaufferai. »

Jean-Jacques Réal