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Permis de tuer

Le jeudi 11 décembre 1997.

Nous avions fait état, dans ces colonnes, en juin, du procès qui oppose la famille d’Ibrahim Sy à la gendarmerie. Les faits incriminés remontent à janvier 1994 et peuvent se résumer en deux mots : bavure mortelle. Pour être plus précis, dans des circonstances assez troubles, Ibrahim fut tué par des gendarmes alors qu’il s’apprêtait, semble-t-il, à piquer une voiture sur un parking. Les gendarmes s’étaient alors prévalus de la légitime défense… Le drame avait fait grand bruit dans la région rouennaise, et en particulier dans le quartier des Sapins (Hauts de Rouen), d’où était originaire Ibrahim, et où les jeunes avaient réagi de façon violente (des nuits avaient été très chaudes !).

À la suite de diverses manifestations, une enquête avait été ouverte par le procureur de la République, qui avait en son temps promis la transparence. Cette enquête s’est évidemment soldée par un non-lieu en faveur des pandores. La famille avait fait appel de cette décision, et jeudi 27 novembre, la chambre d’accusation l’a rejeté, et a confirmé l’ordonnance de non-lieu, estimant que les gendarmes avaient usé de leurs armes dans le cadre de la loi. Une version des faits qui est des plus contestable, si on se base sur les expertises balistiques et médico-légales.

Il semble que personne n’ait été surpris d’une telle décision, en toute logique, car on voyait mal la justice condamner les forces de l’ordre, en somme le bras droit de l’État condamnant son bras gauche ! Pour l’instant, la famille d’Ibrahim Sy a fait un pourvoi en cassation, ce qui lui permettra par la suite de saisir la Cour européenne de Justice, selon l’avocat… Mais même si l’État français y est condamné, ce qui reste à prouver, le mal a été fait : la Justice française, en donnant l’absolution aux gendarmes, leur a accordé par avance le permis de tuer en toute impunité.

Eric Gava
groupe de Rouen