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éditorial du nº 1120

Le jeudi 23 avril 1998.

Parfois, après une journée de boulot, on a envie de se détendre devant la boîte à images et de s’ouvrir au monde. Sur la première chaîne, c’est le western : dans « il était une fois la mairie de Paris », Balla le bon, Toub la brute et Tib le truand s’affrontent. Chantages, tirs nourris, portes de saloons fracturées… toute la panoplie des pistoleros défile. Le shérif Chirac nous avait promis une modernisation de la vie politique, elle part au galop. Sur la deux, c’est plus sérieux. Choux-fleurs et producteurs envahissent les routes du Finistère. Il y a quelques temps, c’était les salades qu’ils balançaient. Toute l’obscénité de l’économie de marché basée sur les profits et non sur les besoins déborde. Mais l’Europe va nous arranger tout ça dit-on au château depuis vingt ans. Chirac vient d’en remettre une couche. Ça ne mange pas de pain et peu lui importe le flacon pourvu qu’il ait la vitesse… pour doubler Lionel. Martine Aubry, elle, nous a mijoté sa « copie emploi », qui sera lue à Cardiff, mi-juin, lors de la rencontre des États européens. Après avoir construit l’Europe des marchandises, qui peuvent passer, elles, sans problème les frontières, nos gouvernants ont ensuite créé l’Europe des polices. Maintenant, ils nous refilent le Dieu Euro pour notre bien-être social ! Dans cette belle construction, ils avaient oublié les êtres humains. Les 18 millions de chômeurs européens font une petite tache au beau tableau. Un jeu sans frontière tendance sociale leur sera offert.

En Angleterre, si tu es chômeur, Blair t’offre un réveil et un boulot minable sous-payé sinon crève ! En France, avec Martine, tu auras droit au « nouveau départ » pour ton « trajet d’accès à l’emploi ». Chômeurs, rien ne sert de courir, il faut savoir partir à point ! Zappons sur la trois. Côté régions, Millon et le FN concoctent leur repas. Certes, les autres convives grimacent devant la nouvelle cuisine. Mais comme l’on ne peut combattre le fascisme à coups de grandes manifestations répétitives… ou de futurs trucages électoraux, la résignation s’installe ainsi que la vermine brunâtre. Passons sur la quatre, la chaîne du toujours plus. Là, on apprend que les cadres des grosses entreprises (Elf, Bull…) font faire leurs courses, laver leur linge ou leur voiture par des jeunes (via des boîtes d’insertion) payés au SMIC avec des CDD. de trois mois. Vive la jeunesse !

Zappons sur la cinq. Madame Trautmann vient de créer un comité culturel de vigilance contre l’extrême droite : Pierre Arditti, Michel Piccoli, par exemple seront nos croisés salvateurs. Ces grands commis cultureux d’État choisissent leur camp et leur soupe. Beaucoup moins vigilants ces messieurs sur le sort des 70 000 sans-papiers jetés par le PS dans la clandestinité. Terminons par la six avec son film d’épouvante. Tony Blair rouvre les taules pour les gamins de douze à quatorze ans, gérées par des sociétés privées. Chez nous, ce sont les parents des délinquants mineurs qui vont payer. À quand les marques extérieures pour mieux stigmatiser les classes dangereuses ? Un vent sécuritaire et répressif souffle fort. Éteignons vite la lucarne et allons griller une cigarette à la fenêtre. Même si cela sera dur, il est temps d’inventer un autre futur pour les gosses. Bonsoir.