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Italie

Chemins de fer

défendre le droit de grève contre les attaques du patronat et du gouvernement
Le jeudi 14 mai 1998.

La plus grande attention doit être apportée aux événements qui, depuis plus de deux mois, concernent les cheminots et plus particulièrement les conducteurs et chefs de gare.

Un service public livré à la logique du marché

Les nécessités de la réorganisation industrielle dictée en particulier par la construction de l’Europe de Maastricht imposent la privatisation du transport ferroviaire et la recomposition de tout le processus productif (création de plusieurs sociétés).

En substance, cela passe par le transfert d’importants capitaux (de l’ordre de 200 à 300 mille milliards de lires) de l’État (argent public) vers les entreprises privées sans même l’assurance que ces sommes soient réinvesties dans le même secteur du transport ferroviaire.

Depuis des années, il est clair que les travailleurs de cette branche n’ont nullement l’intention de rester silencieux, de subir, mais au contraire cherchent par tous les moyens possibles à s’opposer. Les conflits ont été nombreux, le pourcentage de grève plutôt élevé. De fortes tentatives de corruption des cheminots sont apparues depuis 1991 de la part des organisations syndicales Filt-CGIL, Fit-CISL, Vilt-VIL, Fisafcisal qui ont désormais totalement épousé les intérêts de l’entreprise avec la signature de deux contrats nationaux et d’innombrables accords partiels qui augmentent la division des travailleurs. Les organisations pratiquent une politique de concertation : le contrat (CCNL) à peine signé prévoit la constitution d’un « comité de participation » à la gestion de la société composé de syndicalistes.

Dans ce cadre, les cheminots sont amenés à retrouver leur tradition politique syndicale de défense de leurs droits du travail et de leurs droits généraux. Ce comportement ne pouvait, à la longue que devenir le principal obstacle aux politiques patronales dans ce secteur.

La Confindustria (Confédération nationale du patronat) a demandé avec insistance au gouvernement que soit aboli le droit de grève pour les cheminots (avec le désir d’étendre ensuite cette mesure aux autres travailleurs).

Tous les travailleurs sont concernés

Les instruments de la Confindustria sont actuellement le ministre des Transport qui depuis décembre 1997 réquisitionne tous les grévistes ; la commission de garantie L146/90 qui depuis des années œuvre au même objectif, se présentant comme la championne des droits des usagers (mais défendant en réalité les intérêts de l’entreprise) contre les droits des travailleurs ; autre instrument, la majorité de la presse et des médias qui falsifie les informations (quitte a apporter un démenti un peu plus tard) et tente de dresser la population contre les travailleurs. Cette attaque contre le droit de grève ne concerne pas que les cheminots.

Le 22 février 1998, un communiqué de la FLTU-CUB de Florence conclut : « Il est évident que si les cheminots et les conducteurs étaient vaincus, c’est non seulement le service ferroviaire qui toucherait le fond de sa destructuration-dégradation en peu de temps, mais les autres catégories, les autres services de transport, services publics, l’ensemble du secteur industriel connîtrait la même atteinte au droit de grève. »

Contre la signature du contrat inique ! contre les licenciements !

La commission de garantie, Loi 146/90 du 22 janvier 1998 initie la réglementation du droit de grève dans les secteurs publics.

Cette commission a déclaré non conforme la majorité des grèves des syndicats de base, mais aussi quelques fois des grèves locales et régionales de RSU et les syndicats de catégorie CGIL, CISL et UIL. Un article de la loi L 146/90 affirme la validité de ses délibérations sur la quantité de service minimum à assurer en cas de grève. Juges et cours de cassation leur donnant raison dans la plupart des cas.

Cette loi naît comme une loi « anticobas » ayant la fonction de limiter les grèves et de préparer le terrain pour la restructuration-destruction des chemins de fer. Il n’était pas possible d’utiliser d’abord une répression généralisée contre les cheminots, cette catégorie étant fortement syndicalisée, la frapper aurait aussi atteint les syndicats réformistes et favorables à la restructuration en cours (CGIL, CISL, UIL).

Passons à la délibération de la commission qui donne le coup de grâce au droit de grève. Le transport des marchandises en général est également considéré comme prioritaire et pas seulement les marchandises périssables. Et ce secteur se voit fixé aussi un service minimum. De toute évidence, Agnelli ou un des siens aura provoqué par ses protestations, cette décision de la commission qui se sera pliée immédiatement à ses exigences.

La réglementation de la grève touche même les travailleurs qui ne sont pas directement concernés par la circulation des trains ainsi les services de manutention, billetterie, réservation, restauration à bord. Il est interdit de faire grève plus de 24 heures, les grèves perlées sont elles aussi prohibées.

Dans ce secteur, la bataille — celle de toujours — entre les travailleurs et le pouvoir politique et économique va atteindre son maximum. Les organisations de base se sont préparées à la grève sans respecter les délibérations de la commission (CDG).

Les organisations du syndicalisme de base [1] des chemins de fer Fltu-CUB, FT RdB-CUB, Slai-Cobas, COMU, UCS, Ccipu ont conduit plusieurs mouvements de grève en février, mars et avril. La grève de 11 mars 1998 a par exemple connu outre une importante participation des conducteurs, celle du personnel de bord et des gares, et nouveauté, celle du personnel des bureaux, plus mobilisé que d’habitude. D’autre part le mécontentement s’est manifesté dans les rangs des syndicats Filt-FIT, Vilt par exemple en Toscane. La coordination des syndicats de base pour la grève peut paraître fragile et inadaptée si les cheminots entendent poursuivre le mouvement sous peine de défaite, la construction d’une organisation de base unique chez les cheminots sera une nécessité.

Extrait d’Umanita Nova


[1Pour connaître l’histoire, les perspectives du syndicalisme de base en Italie, se reporter à l’article de Pippo Gurrieri dans le nº 2 des Temps Maudits, revue éditée par le CNT Gurrieri, cheminot, vit à Raguse (Sicile). Il a été à l’origine des structures de base dans son secteur. Militant anarchiste, directeur de Sicilia libertaria et responsable de la FLTU-CUB en Sicile.