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Rendez-vous d’octobre

octobre 1954.

On avait coutume, dans la presse et les allocution dominicales, d’invoquer le « Rendez-vous d’octobre ». Les grouvernements le redoutaient, tans que les centrales syndicales élaboraient les mots d’ordre qui lui serviraient de support. Il était la promesse du réveil d’un prolétariat, à qui les feuilles d’impôts aggravaient le budget, sérieusement compromis par les vacances annuelles.

Le « rendez-vous d’octobre » était à la fois l’affirmation d’une volonté populaire de combattre au moment opportun, et l’argument dont usaient les syndicats ouvriers pour peser sur les actes du parlement.

C’était le pendant semestriel logique du 1er Mai, au caractère purement politique plus prononcé.

Les partis, les centrales rivalisaient d’action, s’interpellaient, polémiquaient, puisque aussi bien, le renouvellement des cartes était proche. Le ministère du travail, le patronat et les multiples commissions qu’il oriente, lâchaient quelques parcelles de leur capital, pour endiguer l’assaut promis. Bien des grèves, bien des mouvements d’envergures prometteurs, échouèrent ainsi, parce que ceux qui avaient pour mission de les développer, préoccupés par de sordides intérêts de boutiques, se contentèrent d’une aumône dérisoire, sans mesure avec les aspirations de leurs mandants. Les travailleurs reprenaient la boite à outils, plus abattus, et le gouvernement se félicitait d’avoir maintenu une stabilité précaire, dont les betteraviers avaient raison quelques mois plus tard.

À cette règle n’a pas échappé Mendès-France, qui promettait solennellement à Nevers, de se pencher sur le « problème social ».

Sans vouloir médire de la bonne foi du premier ministre, il n’est pas douteux qu’il ne pourra rien entreprendre qui satisfasse les espoirs et les besoins, aussi longtemps que les féodalités économiques conserveront leurs privilèges, le capital et l’État, le monopole de la rétribution du travail.

N’est-il pas singulier que Mendès-France soit le seul à prévenir l’agitation prochaine, alors que les syndicats se confinent dans des arguties sur la CED qui sort de leurs attributions spécifiques ? (Du moins sous l’angle par lequel ils l’envisagent).

N’est-il pas navrant de les voir étaler leur mesquinerie partisane, alors que le pouvoir d’achat s’amenuise, que les conquêtes ouvrières, telles les quarante heures hebdomadaires, sont pratiquement perdues ?

N’y aura-t-il pas de réponse à cette carence ?

Le prolétariat aura-t-il la volonté de susciter un « rendez-vous d’octobre » qui fera trembler le patronat et son poulain Edgar Faure ?

Le prolétariat, seul, a le pouvoir de transformer ce « rendez-vous » en « ultime rencontre ».

Michel Penthié