Le monde des variétés est en pleine ébullition. Des salles consacrées renouvellent leur programme, de nouvelles salles se créent où défilent les vedettes les plus goûtées du public. Un pas important vient d’être fait dans la « démocratisation » d’un genre qui conserve les faveurs de la foule parisienne, du provincial ou de l’étranger en visite à paris. Les « vedettes » autrefois réservées aux boites « chic et cher » de Montmartre ou des Champs-Élysées s’installent à la Bastille, envahissent la rue de la Gaîté, conquièrent le boulevard à la satisfaction générale des spectateurs qui, après les avoir longtemps appréciées à la radio ou à la télévision sont heureux d’établir avec elles le contact humain que rien de remplace.
La direction de l’Olympia a bien compris cela. C’est la raison qui l’a incitée à réadapter une ancienne salle de music-hall que le cinéma avait gagnée comme tant d’autres. Elle y présente à des prix abordables des spectacles de qualité savamment dosés, où la vedette voisine avec l’espoir de demain, où le chant se combine avec l’attraction et l’humour suivant le vrai principe du spectacle de variétés trop négligé ces dernières années.
Son nouveau spectacle est une réussite dans le genre, malgré la pauvreté de certains numéros, mais Georges Brassens en est la vedette.
On a tout dit sur Brassens… Nous nous permettrons d’ajouter que cet authentique poète qui a enfoncé de ces robustes épaules l’indifférence des foules, est des nôtres.
Il nous offre à l’Olympia ses dernières chansons, dont il a composé la musique avec un extraordinaire talent. C’est un régal de poésie tendre et sensible entrecoupée de strophes virulentes qui le mettent au premier plan dans une lignée qui prend son origine au Moyen Âge et que François Villon a illustré avec éclat.
La Mauvaise graine, L’Auvergnatn Je suis un voyou, Une Jolie fleur dans une peau de vache, les si adorables stances des Sabots d’Hélène… autant de couplets qui demain seront sur toutes les lèvres et qui enrichiront le florilège de la chanson française.
Brassens est bissé et rebissé, ce qui nous vaut la joie de réentendre ses premières chansons qui sont sans rides et qui le révélèrent à un public avasourdi par ce torrent de poésie brutale et tendre qui devait marquer les débuts d’une fulgurante carrière.
On peut regretter le manque de consistance du restre du programme…
Parmi les numéros d’attractions, seul l’élégant jongleur Woodrow, dans une présentation originale et de haute classe est à retenir.
Lucie Dolène est bien jolie à regarder ; sa voix fraiche est agréable, mais son « tour » n’accroche pas…
Le quatuor Dorémi est insipide et ses chansons sont bien pauvres.. ( à tout hasard, signalons à la direction qu’il existe Les Garçons de la Rue, Les Frères Jacques et Les Quatre Barbus, dont nous évoquions nostalgiquement la production en écoutant les Dorémi…)
Fernand Raynaud, le « moment » comique est irrésistible de la soirée est une valeur certaine et les bravos qui fusent à chacune de ses mimiques sont un témoignage de son grand talent.
Suzy Chevet