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Religion ? Oppression !

Le jeudi 3 avril 2003.

Cela n’aurait pu être qu’un tragique et toujours révoltant fait divers (appellation courante), d’une écœurante banalité : le viol d’une fillette de 9 ans. Jusqu’ici tout va mal. L’agresseur lui refile une MST. ça empire. La gamine se retrouve enceinte. On atteint le fond. Du moins l’espérait-on. Parce que les curetons s’en sont mêlés… C’est le journal Libération du 3 mars qui relate cette triste et sordide affaire.

Les parents de Rosa (c’est un pseudo) sont nicaraguayens et ont émigré au Costa Rica pour travailler dans les exploitations (c’est le mot) de café. Dans ce pays, les délais pour l’avortement thérapeutique sont de trois mois. Trop tard pour Rosa quand ses parents se sont rendu compte de son état. D’où leur retour au Nicaragua. Où on ne les a pas accueillis avec toute la compassion et le soutien nécessaires, loin s’en faut. Malgré les avis des médecins qui indiquaient qu’une telle grossesse mettait en danger de mort Rosa (et le fœtus), non seulement les portes des hôpitaux publics lui ont été fermées mais, en plus, le ministère de la Santé lui refusait toute aide médicale et menaçait les parents de leur retirer l’enfant ! On devine tout de suite qui était derrière ces abominables agissements : l’Église catholique, toute-puissante au Nicaragua, qui brandissait même l’excommunication pour dissuader les parents ! Heureusement, des associations et des médecins ne se sont pas laissés intimider et Rosa a pu avorter dans une clinique privée. Et, maintenant, ce sont ces derniers qu’on menace de prison ! Pas sûr que la racaille ensoutanée parvienne à ses fins, car cette affaire a fait l’objet d’un vaste débat national au Nicaragua, sur la place de l’Église dans la société, et il se pourrait bien que, et on le souhaite de tout cœur, il y ait un retour de bâton et que ça se retombe sur la calotte.

Actualité de l’anticléricalisme

Cette histoire emblématique démontre une fois de plus que l’Église n’a pas changé. Dès qu’elle a de l’influence et du pouvoir, elle montre son vrai visage rétrograde et liberticide. Qu’on ne nous bassine plus avec la théologie de la libération ! Une vaste fumisterie destinée à redorer le blason d’une Église compromise avec les puissants et soucieuse de regagner les faveurs du populo ! Théologie de l’oppression, ça oui, théologie de l’aliénation, c’est sûr !

À ceux qui nous reprochent un anticléricalisme désuet, qu’ils réfléchissent un peu à ce qui se passe ici et qu’ils regardent en France et ailleurs. Certes, dans un État laïque, la calotte y paraît moins puissante, elle a perdu de sa superbe, elle semble moins influencer directement la vie quotidienne des gens, mais il faut creuser un peu. On s’aperçoit alors qu’elle est tout de même partout : pas un comité éthique où elle n’ait sa place et son mot à dire. Chaque fois que se pose un problème dit sociétal, ils sont tous consultés, curés, pasteurs, rabbins, imams et autres gourous. Consultés et écoutés. On tient compte de leurs avis ! Inutile l’anticléricalisme ? Sans quitter l’Europe, voyons l’Irlande ou la Pologne, pays où elle impose ses règles, sa morale archaïque. Et quand on sait qu’une grande partie des services de santé en Afrique est tenue par les missions chrétiennes, rien d’étonnant à en mesurer les conséquences avec la progression de la pandémie du sida. Dépassé l’anticléricalisme ? Vu ce qui se passe dans les Amériques, entre les fondamentalistes protestants du Nord et les cathos intégristes du Sud, on se dit qu’il y a encore du pain sur la planche. Rien que pour le christianisme, parce qu’il y a aussi les autres… Conclusion : l’anticléricalisme et la lutte antireligieuse n’ont jamais été aussi nécessaires !

Éric Gava, groupe de Rouen