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Anticléricalement vôtre

Le jeudi 4 novembre 2004.

’est avec une colère non dissimulée que j’ai entendu Nicolas Sarkozy annoncer qu’il fallait détricoter la loi de 1905 sur la séparation de l’Église et de l’État. Saint Nicolas a d’abord pris la précaution de nous expliquer qu’il était catholique de la tête au fondement. C’est son problème. Cela ne nous regarde pas. En revanche, comment un ministre de la République peut-il se permettre de telles proclamations ? Nous savions déjà, qu’en 1993, Édouard Balladur se rendait à la messe du dimanche, à Chambéry, et que Jean-Pierre fait de même, à Combloux. Toutes ces professions de foi font désordre dans un État présumé laïque.

Nicolas Sarkozy a osé nous lancer en pleine figure qu’il « s’affirme catholique », tout en jetant un regard méprisant sur ces jeunes qui pratiquent « un agnosticisme désespéré ». Feu sur les mécréants car notre époque a le plus grand besoin du fait religieux. Telle est la teneur du message.

Nicolas Sarkozy tire à vue sur les « laïcards », tout comme, en 2003, il dénonçait les « droits de l’hommiste » inquiets de la multiplication des lois liberticides. Suit l’annonce de larges subsides pour la construction de mosquées ; ce qui justifiera ensuite d’importantes subventions pour les églises.

Tandis que l’on nous rebat les oreilles avec le « fait religieux », et la volonté d’inscrire l’histoire des religions dans les programmes scolaires, ceux qui gouvernent oublient que, dans ce pays, il y a des athées en très grand nombre, et plus encore d’indifférents.

Dans cette France où les révoltes rurales et urbaines prenaient jadis le château et l’église pour cibles prioritaires, on voudrait faire oublier ce passé glorieux pour lui opposer un présent calotin, et en tout cas bien-pensant. Le plus lamentable étant encore de constater que la gauche convenable et les syndicats — redevenus réformistes — ne réagissent guère à cette invasion calotine, toutes confessions confondues. On trouve même des défenseurs du voile islamique à l’école, au sein de notre extrême gauche, au nom de la liberté de conviction.

Il est donc évident que l’anticléricalisme se doit de retrouver des couleurs !

Les curés, les imams et les rabbins m’exaspèrent. Tous éprouvent la tentation de nous agresser hors de leurs lieux privés. Par quelle aberration, cette République laïque, cette ville de Paris gérée par la gauche, ont-elles accepté qu’une croix de dix-sept mètres de haut soit érigée sur le parvis de Notre-Dame de Paris, pour célébrer la Toussaint 2004. Cela sur le domaine public. Pourquoi se gêner ?

Attention, demain, peut-être, vous risquez d’être interpellé par un policier si vous criez : « À bas la calotte ! » Comme si ce cri pouvait désormais outrager la République. Et, pourquoi pas, par la suite, si dans votre égarement vous arborez une pancarte portant le triple slogan républicain, qui n’est pourtant que paroles verbales « Liberté, Égalité, Fraternité », un Sarkozy quelconque ne hasarderait-il pas à expliquer que, décidément, vous troublez l’ordre public.

Au secours, Jacques Prévert, reviens !

A, comme Absolument athée
T, comme Totalement athée
H, comme Hermétiquement athée
É, comme Étonnamment athée
E, comme Entièrement athée

Plus vulgairement, pourquoi ne pas participer à cet indispensable travail collectif de rejet, pour rendre notre atmosphère un peu plus respirable ? On commence par la calotte, et le reste ne peut que suivre plus facilement. Derrière la calotte, on trouve inévitablement l’État des flics et des patrons. N’en déplaise à feu André Malraux, le XXIe siècle sera antireligieux ou ne sera pas. En ce début de XXIe siècle, l’Église a décidé de réévangéliser l’Occident, tout comme George W Bush a lancé une croisade contre les Arabes, au Proche-Orient, en 2003,

J’ouvre donc le bal, en attendant la suite :

À bas la calotte
Saperlotte,
sa camelote
et ses parlotes,
Dieu me tripote !
Et si les curés te pelotent
Envoie-leur les sans-culottes !

Maurice Rajsfus