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Réplique à J.-M. Raynaud

Le jeudi 27 novembre 1997.

À la suite d’une note de lecture de Jean-Marc Raynaud publiée dans Le Monde libertaire nº 1095 et consacrée au dernier livre de Claude Guillon, celui-ci nous a fait parvenir ce texte en guise de droit de réponse.



Que J.-M. Raynaud me déteste et le dise, je m’en moque. Que sous couvert de critiquer mon livre À la vie à la mort, il recoure au mensonge et à l’insinuation pour me déconsidérer, c’est indigne.

Curieuse critique, qui n’indiquait pas les références du livre traité, mais celles de Suicide, mode d’emploi, épuisé depuis sept ans (et interdit !). Il est vrai que Raynaud avait publié dans Le Monde libertaire (oct. 1982, sous un pseudo) une critique assassine de Suicide…, dont il jugeait les auteurs « analphabètes de l’intelligence ». Quinze plus tard, ni l’élégance de la plume ni celle de l’esprit ne lui sont venues.

Passons sur les plaisanteries salaces (« Guillon n’a jamais été violé »), sur la métaphore ouvriériste du « bleu de chauffe de la lutte », et regrettons que personne n’ait soufflé à l’auteur qu’il était obscène de me présenter comme préférant à la lutte sociale « le confort du bavardage », quand j’attendais le jugement rendu sur la plainte des flics qui m’ont tabassé après une manifestation. Fallait-il attribuer mon hémorragie au foie à une chute dans l’escalier de ma tour d’ivoire ?

Quant au contenu de mon livre, JMR n’évoque que la question de l’avortement. Il écrit, points de suspension compris : « Sans tout à fait remettre en cause le droit des femmes à avorter, [Guillon] n’est pas loin de penser que… » Ce que je pense, je le dis, je l’écris tout à fait, quels que soient les risques encourus. Adhérent du Planning familial, militant au MLAC, les droits des femmes et des jeunes sont le sujet à propos duquel j’ai le plus milité et écrit dans la décennie 70-80. C’était même l’objet du premier article que j’ai publié dans le ML en novembre 1972 !

Dans À la vie à la mort j’écris : « Confrontés comme nous le sommes, d’une part à des attaques toujours plus vives des adversaires de l’autorisation légale d’avorter, et d’autre part à un relatif progrès des mentalités vis-à-vis du petit enfant, il me paraît plus indispensable que jamais d’appeler les choses par leur nom, et d’obtenir (de revendiquer) des droits pour ce qu’ils sont. Le risque de régression juridique est là, et les lamentations n’y changeront rien. » Ma thèse est que l’attention nouvelle portée aux nourrissons et aux fœtus n’est pas contradictoire avec le droit des femmes, à condition que l’avortement soit considéré et pratiqué (d’autant plus s’il est tardif) comme une euthanasie prénatale. C’est à mes yeux un moyen de contrer les adversaires de l’avortement.

Mon engagement anarchiste date de l’immédiat après 68. Raynaud feint de l’ignorer et déforme mes positions pour mieux les opposer à celles « des anarchistes », tandis qu’il me renvoie à un « pseudo ultragauchisme ». Puis vient le coup de pied de l’âne : une citation sur les chambres à gaz, assortie d’une métaphore confuse me dépeignant comme un Saint-Thomas mâtiné de Faurisson. Étrange, Raynaud n’avait rien trouvé à dire sur ce sujet dans son article de 1982… Bref ! Je re-situe le passage cité. Il répondait à une déclaration d’historiens qui, voulant contrer les négationnistes, affirmaient qu’il ne pouvait y avoir ni débat ni recherche sur le fonctionnement des chambres à gaz. J’estimais au contraire que ce débat était inévitable.

En 1990, Vidal-Naquet écrit dans la préface à La solution finale dans l’histoire (Arno Mayer) : « Une archéologie était-elle nécessaire ? Certainement pas dans l’évidence aveuglante de 1945. Certainement aujourd’hui devant la campagne des négateurs. Mais non moins certainement sur le plan proprement historique, parce que tout doit être soumis à la mesure et au calcul […]. » C’est la position inverse de celle exprimée par la déclaration des historiens ; elle rejoint celle que j’avais énoncée contre eux.

Une autre fois, pourquoi ne pas organiser un véritable débat ?

Claude Guillon