Accueil > Archives > 2003 (nº 1301 à 1341) > 1308 (20-26 févr. 2003) > [Il faut bouter dehors les sans-papiers, qui font désordre]

Pour la mairie de Paris

Il faut bouter dehors les sans-papiers, qui font désordre

Le jeudi 20 février 2003.

Durant la manifestation des sans-papiers, organisée ce samedi 8 février entre République et Nation, ceux-ci décident d’occuper symboliquement le gymnase Jappy, situé dans le 11e arrondissement de Paris, afin d’en faire le « quartier général » du mouvement 1. Or, dans la nuit du 9, les forces de l’ordre décident d’évacuer 150 d’entre eux, qui résident dans le gymnase depuis la veille. Sur simple réquisition des responsables de l’hôtel de ville, propriétaires du lieu et cela malgré l’intervention d’élus verts et communistes du quartier. Isabelle Morin, élue verte au conseil de Paris, constate « l’absence de discussion et de propositions pour une alternative de relogement, dans un autre local disponible à Paris2 ». En revanche, la seule réponse qu’ont pu apporter les porte-parole de la mairie était que « la question des sans-papiers était posée au gouvernement et non à la mairie ».

Si la journée du dimanche s’était passée sans problèmes, vers 21 h 30 la police sarkozienne réussit à pénétrer dans le gymnase. S’ensuit une longue négociation avec les forces de l’ordre qui demandent « l’exécution de leur mission, dans des conditions de sortie honorables », tout en promettant aux militant(e)s présent(e)s, de ne procéder « à aucune interpellation ».

Or, les sans-papiers s’interrogent quant à l’ordre de réquisition, pourtant bel et bien donné par… la mairie de Paris. Mais, devant le refus des forces de police de procéder au recours à la négociation, les sans-papiers décident finalement de s’asseoir et crient devant le gymnase : « Sarkozy assassin, Delanoë complice ». Pascal Cherki, adjoint PS aux sports de la mairie du 11e venu en renfort, fait mine de ne pas comprendre et avoue que « dans un tel contexte, il n’aurait personnellement pas pris la même décision que le maire ». Il demande néanmoins « à ce que l’évacuation ait lieu et se passe sans problèmes », dans « la dignité ».

Dans les faits et en dépit d’une dernière tentative de conciliation des représentants de l’arrondissement, qui essayent d’épargner les quelques enfants encore présents, les forces armées procèdent à l’évacuation musclée des occupants, et cela dès 23 h 30. La police tente également de disperser manu militari les militant(e)s présent(e)s. Pour autant, nous ne cédons pas aux menaces et décidons de rester. Les flics décident alors de durcir et d’accompagner les « directives de la mairie », en surenchérissant en brutalités. Plusieurs opposants à l’expulsion sont blessés, dont deux grièvement, et quinze autres emmenés à l’hôpital Antoine voisin. Néanmoins, la résistance continue à l’extérieur du gymnase, et l’un des opposants à l’expulsion reçoit un coup de ranger en plein visage.

Mais qu’on se rassure : Georges Sarre, toujours maire du 11e arrondissement de Paris et porte-parole du Mouvement républicain et citoyen, a confirmé le lendemain au Figaro « qu’il se montrait plutôt d’accord avec l’attitude de l’hôtel de ville, pour que le gymnase retrouve sa vocation naturelle ». Argument repris par Bertrand Delanoë, qui déclarait le même jour, pour justifier cette bavure, au même journal : « Mon devoir est d’offrir aux citoyens de Paris ce à quoi ils ont droit : des équipements publics […] qui fonctionnent pour eux, les sportifs, les jeunes et, en particulier, ceux qui ne peuvent pas partir en vacances. Car on ne peut pas priver les administrés de l’usage du gymnase. » Et de renvoyer l’ascenseur et la « patate chaude » que représente le dossier des sans-papiers au gouvernement.

En résumé, les sans-papiers dérangent la mairie de Paris, et le gouvernement justifie ainsi l’intervention des forces de police, stratégie déjà mise en place par Julien Dray sous le gouvernement Jospin. Reprise par Sarkozy, elle a pour mission de « bouter hors de France » tout ce qui dérange la tranquillité des citoyens et des électeurs (jeunes et sportifs ?). Citoyens que l’on prend, de plus en plus, pour des cons et que l’on envoie… directement à l’hôpital. Quand on n’envoie pas les sans-papiers vers la « case départ » sans plus oser parler de double peine, de condamnation, dans leur pays d’origine, et sans penser, en plus, à ceux et celles séropositifs ! Alors, que faire, sinon continuer à résister, au risque de s’en prendre, nous aussi, quelquefois « plein la gueule » ? Pour autant, nous ne la fermerons pas.

Patrick Schindler, groupe-claaaaash@federation-anarchiste.org

1. Lieu symbolique d’occupation des sans-papiers depuis 1995, avec les églises Bernard et Ambroise, dont ils ont été encore récemment expulsés, après un accord tacite passé entre Nicolas Sarkozy et Lustiger (voir l’article du Monde libertaire du 16 janvier 2003).

2. Source : Le Monde du 12 février 2003.