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éditorial du nº 1355

Le jeudi 15 avril 2004.

La pause pascale passée, revenons une dernière fois sur cette affaire qui a passionné de nombreuses personnes : le dernier film de Mel Gibson.

Il aura fallu attendre les années 1960 et le concile Vatican II pour que l’Église catholique abandonne officiellement la doctrine selon laquelle les juifs étaient responsables de la mort du Christ. Ceci dit, pouvions nous croire naïvement que Mel Gibson allait prendre en compte sans sourciller ce tournant idéologique des catholiques ? Ces prises de positions contre l’avortement ou les mariages entre homosexuels sont pourtant éloquentes. Rien donc d’étonnant de voir une interprétation de la passion du Christ insistant sur les thèmes de la souffrance et du martyr, qui pose une question sans la poser : qui sont les responsables ?

Nous, anarchistes, retenons de cet épisode cinématographique le sang coulé. Qu’il est plaisant somme toute de rappeler combien fut et est sanglant le combat des religions des origines jusqu’à aujourd’hui. Enfin un Christ sur une croix qui saigne pour de bon…

Ce qui nous inquiète est le lever de bouclier médiatique qui nous démontre que débattre autour de l’antisémitisme est décidément épineux. Il en été déjà ainsi lors des discussions et des égarements au sujet du voile, où on avait voulu nous faire croire que les seules traces d’antisémitisme en France résidaient dans nos banlieues. Badaboum, voilà que la menace vient cette fois d’un bon blanc, américain, et qui plus est, avec une machine hollywoodienne derrière lui… Il serait temps de tordre le coup aux idées nauséabondes, mais sûrement pas en s’en dédouanant. Osons dire que la société occidentale a pour héritage 2 00 ans de chrétienté et en conséquence une bonne dose d’antisémitisme — Vatican II ou non.

Mais le déni est une triste habitude en ce qui concerne la France. Si elle ne veut pas assumer son passé millénaire, il en est de même pour ses escapades coloniales. Ce n’est pas Chirac qui va nous contredire : « Le scrutin du 8 avril et la campagne qui l’a précédé ont permis au peuple algérien de démontrer sa volonté d’aller de l’avant sur le chemin du pluralisme démocratique et de la modernisation économique et sociale ».

Il fallait voir Fellag en spectacle le lendemain de ces élections. Son rire était plus que jamais nécessaire mais douloureux. Il mettait en scène deux immigrés. L’un a quitté l’Algérie le jour de son indépendance, l’autre un peu plus tard pour des motifs plus économiques, et ils se retrouvent face à face, le guichet des Assedic les séparant. « Reviens au pays, mais après les élections ! Mais pas celle-là, ni la prochaine. Peut être la suivante… ». « Mais, t’inquiète, au pays, on produit beaucoup, mais alors beaucoup, vraiment beaucoup et beaucoup et encore beaucoup… d’espoir ! » Jusqu’au 30 avril à la MC 93 à Bobigny.