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Ariel Sharon

un terroriste multirécidiviste
Le jeudi 15 avril 2004.

Avant de « remercier », l’appareil de la défense et ses différentes branches pour l’opération menée contre le cheikh Ahmed Yassine, le Premier ministre de l’État hébreu s’était déjà empressé de se féliciter publiquement de l’élimination du leader du Hamas en le qualifiant de « terroriste le plus important du Moyen-Orient ». Sharon est vraiment trop modeste : en matière de terrorisme, c’est lui qui décroche haut la main le pompon ! Celui que ses partisans surnomment le « bulldozer » a un lourd passé de crimes et s’est toujours distingué par son cynisme au cours de sa longue carrière militaire. Rongé par la haine des « Arabes », il s’est toujours permis de la clamer haut et fort.

On ne peut l’accuser d’avoir laisser faire les basses besognes aux autres, car il a régulièrement mis la main à la pâte. « Il ne faut pas simplement leur infliger des pertes et des souffrances : il faut qu’elles soient très douloureuses », a-t-il coutume de dire [1]. Sharon est adepte, depuis toujours, d’une « solution finale » pour résoudre le problème palestinien. La construction du Mur n’a d’autre objectif que de rendre la vie si insupportable aux Palestiniens qu’ils n’auront, d’autre « choix » que l’exil, à moins qu’Israël ne les déporte massivement, les sionistes ne parlent pas de « déportation », mais de « transfert ».

Boucher et terroriste

Militaire professionnel, Sharon a personnellement participé à des massacres de civils, utilisant lui-même la grenade contre vieillards, femmes et enfants : crimes dont il s’est d’autant moins repenti qu’il a ensuite ordonné à ses troupes d’en faire autant. En 1953, le lieutenant Sharon crée l’Unité 101, spécialisée dans les raids destinés à terroriser les Palestiniens et à leur faire quitter leurs maisons. En septembre, il attaque même des bédouins dans la zone démilitarisée d’Al Auja, tuant un nombre de gens qui reste encore inconnu aujourd’hui. Le 14 octobre, son escadron de la mort attaque de nuit le village de Qibya en Cisjordanie et se livre, au massacre de 69 personnes. Même les troupeaux de vaches sont exterminés. En 1956, pendant l’attaque anglo-franco-israélienne contre l’Égypte, les unités commandées par Sharon assassinent des prisonniers de guerre égyptiens et des civils soudanais capturés. Plus de 200 prisonniers auraient été exécutés. En 1971, il se distingue par des opérations « très spéciales » dans la bande de Gaza, à l’aide d’unités surnommées les « caméléons » parce leurs éléments se déguisent en Arabes pour mieux s’infiltrer.

C’est Sharon devenu général qui dirigera l’invasion du Liban en 1982 lors de l’opération « Paix en Galilée » qui lui donnera l’occasion de prêter main forte à la boucherie des phalangistes maronites qui, pendant deux jours, violeront, tortureront, mutileront et tueront des centaines de Palestiniens dans les camps de Sabra, Chatila et Burj El Barajneh. Entre 800 et 3 000 personnes sont abattus à coups de hache ou de balles dans la tête. Un scandale tellement énorme que Sharon fut tout de même mis en cause dans son propre pays. En 1983, il est obligé de démissionner de son poste de ministre de la Défense.

Sharon, qui justifie en permanence ses agissements par « le terrorisme palestinien », a joué un rôle déterminant dans la fondation du Hamas en 1988, donnant des autorisations préférentielles aux islamistes pour la création d’écoles et de programmes sociaux, espérant ainsi réduire l’influence de l’Organisation de libération de la Palestine, organisation laïque. Au moment où l’OLP opérait un tournant historique en reconnaissant le droit à l’existence d’Israël sur 78 % du territoire de l’ancienne Palestine britannique et acceptait qu’un futur État palestinien se contente des 22 % restants.

Avril 2002 : le massacre de Jénine et celui de Naplouse sont des opérations calquées sur les précédents exploits de Sharon. Rues éventrées, maisons rasées par centaines au bulldozer géant, fabriques, mosquées et bâtiments classés patrimoine culturel historique par l’Unesco détruits. Plus de 150 Palestiniens tués et un grand nombre de blessés morts d’hémorragies, en raison du refus de laisser les secours pénétrer. Résultat dont le Premier ministre israélien, qui se permet de refuser toute commission d’enquête internationale, se déclarera « très satisfait ».

Colon, voleur de terres

Sharon n’a pas seulement milité pour que les Israéliens puissent acquérir des terres en Cisjordanie à une époque où la loi israélienne ne le permettait pas encore (il faudra attendre 1973). En 1974, il a personnellement pris la tête d’un groupe de colons pour établir un « avant-poste illégal » près de Naplouse. Expérience qu’il a ensuite renouvelée afin de « judaïser les territoires ». Ministre de Begin en 1977, il a permis les « implantations agraires juives » en Cisjordanie et à Gaza. Sous sa houlette, entre 1977 et 1981, plus de 25 000 colons s’installeront dans les territoires occupés ; ces colons, pour la plupart membres des groupes religieux fascistes du Bloc de la foi, seront entraînés à former des équipes de tueurs sur le modèle de l’ancienne Unité 101.

En 1980, Sharon crée avec Yuval Neeman l’organisation Prevention of Emergence of another Arab Country in Eretz Israel : PEACE, le sigle qui en résulte ne manque pas d’humour noir. Cette association milite pour l’annexion permanente des territoires occupés.

Maintenant, sous prétexte de « sécurité », Sharon fait construire des murs de 8 mètres de haut à l’intérieur de la Cisjordanie, non seulement pour isoler les Palestiniens dans des ghettos, et les persécuter sans témoins, mais aussi pour annexer davantage encore de terres. Ce nouveau Mur de la honte, avec miradors et barbelés, qui fait déjà plus de 180 km de long et qui doit en faire plus de 600, va permettre d’annexer près de la moitié de la Cisjordanie. Des milliers d’hectares fertiles sont ainsi confisqués, privant de leurs ressources des centaines de milliers de Palestiniens. Et quand les Palestiniens et les pacifistes internationaux, y compris israéliens, protestent contre ce mur, Sharon n’hésite pas à ordonner à sa soldatesque de tirer sur eux.

Corrompu et hors la loi

Sharon ne cesse de fustiger la « corruption d’Arafat ». Il pourrait commencer par balayer devant sa porte. Propriétaire de la plus grande ferme privée d’Israël, il est aussi un champion de l’argent sale, cumulant les « affaires » : fonds occultes pour financer sa campagne électorale, magouilles avec des promoteurs immobiliers, chantage pour obtenir à son fils un poste de conseiller à 30 000 dollars par mois !

Cet odieux personnage se soucie des lois et du droit comme de sa première chemise kaki. Pour lui, les résolutions de l’ONU sont chiffons de papier. Conventions de Genève ou pas, il érige en règle les châtiments collectifs, fait détruire des biens privés, mais aussi des hôpitaux ou des écoles, bloquer l’accès aux soins, à l’éducation, priver les Palestiniens d’eau, de nourriture et d’éducation. Il ne se contente pas d’ordonner de briser les ordinateurs, de brûler ou de faire disparaître les registres d’état civil, ou de rendre inutilisables l’aéroport de Gaza. Il fait dynamiter des tonnes de nourriture envoyées par des organismes internationaux.

La journaliste israélienne Amira Hass d’Haaretz écrivait en avril 2002 : « Ce n’est pas par caprice ou vengeance, ce sont des instructions précises que donne Sharon à l’armée israélienne pour qu’elle détruise les institutions civiles et ruine toute chance de constitution d’un État palestinien indépendant et pour faire régresser la société palestinienne ». Des milliers de Palestiniens croupissent en prison. Cela s’appelle la « détention administrative ».

« L’objectif de Sharon, explique le pacifiste israélien Uri Avnery, est de transformer les Palestiniens en épaves humaines dont il pourrait faire ce qu’il veut : les enfermer dans des enclaves ou les chasser du pays. » Les soldats israéliens qui refusent de « contrôler, expulser, affamer et humilier un peuple tout entier » sont jetés en prison.

En dépit des conventions internationales sur la libre circulation des personnes, Sharon bloque l’entrée en Palestine. Les missions humanitaires sont refoulées, et les Palestiniens restent isolés, sans aucune possibilité de bénéficier de la solidarité internationale.

Ennemi de la paix

Sharon a toujours combattu toutes les initiatives de paix. Lorsque sont signés les accords d’Oslo en 1993, il monte une grande campagne d’opposition contre leur artisan israélien, le Premier ministre Yitzhak Rabin, jusqu’à l’assassinat de ce dernier. Il appelle les colons à la « résistance » et effectue, en 1993, une tournée aux États-Unis pour combattre les accords et récolter des fonds en faveur des colons les plus fanatiques. Quelques mois plus tard, le 25 février 1994, l’ancien réserviste, Baruch Goldstein, massacre trente Palestiniens priant dans le caveau des Patriarches.

Le 31 mars 1994, Sharon organise un rassemblement de plus de 10 000 Israéliens contre Oslo et le démantèlement des colonies. Tout est bon pour empêcher le processus de paix. En septembre 2000, alors que des pourparlers sont en cours entre le gouvernement de Barak et les Palestiniens, Sharon, encadré par des policiers israéliens, effectue sa désormais tristement célèbre « promenade » sur l’esplanade des Mosquées. Provocation qui aura le résultat escompté : manifestations, jets de pierres violemment réprimés, 28 morts et 500 blessés et l’enterrement du processus de paix.

La tactique de Sharon n’a d’ailleurs jamais varié d’un pouce : provoquer et rechercher des réactions violentes au sein de la société palestinienne pour pouvoir justifier des « représailles » et détruire toute perspective d’édification d’un État palestinien. Pas question d’accepter la présence dans les territoires occupés d’une force internationale. Pas de témoins gênants : circulez, il n’y a rien à voir.

La paix, Sharon n’en veut à aucun prix. Il traite par le mépris l’initiative du prince saoudien Abdallah qui propose en 2002 l’instauration de relations normales entre Israël et les pays arabes en échange des 22 % de leurs terres. Et quand Arafat obtient du Hamas et du Jihad islamique un cessez-le-feu unilatéral, Sharon s’empresse de devancer le communiqué de presse prévu pour le lendemain en larguant une bombe d’une tonne sur un quartier de Gaza. Officiellement, il ne s’agissait que d’une « opération ciblée » : anéantir l’immeuble où se trouvait le fondateur des Brigades des martyrs Ezzedine Al-Qassam. Bilan : 21 morts et 150 blessés. Adieu la trêve. Tandis que ce nouveau fait d’armes suscite l’indignation de la « communauté internationale » et la contestation au sein d’Israël, Sharon respire.

« C’est l’une de nos opérations les plus réussies », déclare-t-il. Quant à la « feuille de route », beaucoup d’Israéliens sont d’avis qu’il « se torche avec ». L’accord de Genève ? Il faut jeter en prison les « traîtres » israéliens qui ont osé signer un tel document.

Raciste et fauteur de guerre civile

La haine que voue Sharon aux Palestiniens s’étend à tout le monde et à tous les peuples et individus arabes, de l’Égypte au Liban et à la France. C’est lui qui déclare : « Il y a six millions d’Arabes en France. Les juifs de France vont se trouver en grand danger. Il est grand temps qu’ils fassent leurs valises pour venir en Israël. »

Outre que c’est une déclaration de guerre aux millions de nos concitoyens arabes ou d’origine arabe, cette sommation a pour objet d’exciter la frange la plus belliciste, la plus « sharonnienne », des juifs de France. Avec l’objectif d’exacerber les tensions communautaires, surtout si cela devait se traduire par une augmentation de l’antisémitisme.

À quand le prochain exploit de Sharon ? Il a déjà réuni ses principaux collaborateurs pour dresser la liste des prochaines « cibles légitimes » de l’armée israéliennes. Y figure en bonne place, Abdel Aziz Al-Rantissi, qui avait déjà échappé de justesse à une tentative de liquidation. Ne vient-il pas d’être désigné à la tête du Hamas pour succéder au cheikh Ahmed Yassine ? « Un homme qui n’a jamais fait dans la demi-mesure », notait un journaleux de Libération, commentant cette nomination. Comme si le propos ne devrait pas d’abord s’appliquer à Sharon !

Jean-Pierre Garnier


[1Toutes les citations ou informations utilisées ici ont été puisées dans la presse ou des rapports israéliens.