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Internationale des fédérations anarchistes

Mondialiser la liberté

Le jeudi 15 avril 2004.

Aujourd’hui, nous pouvons constater un fossé toujours plus croissant entre le travail des mouvements antilibéraux planétaires, qui ont culminé, au début de l’année 2003, avec des centaines de millions de personnes manifestant contre la guerre préventive des États-Unis et de ses alliés contre le régime de Saddam Hussein et, potentiellement, contre tous ceux qui n’acceptent pas leur programme de domination universelle — mouvements qui ont ensuite obtenu un résultat prestigieux avec la faillite du récent sommet OMC de Cancun — et de l’autre côté l’arrogance du pouvoir mondial n’ayant rien à faire du devenir des peuples et de l’environnement.

Ce fossé conduit à un revirement de la stratégie politique des mouvements « no global » qui se transforment lentement en mouvements « new global », s’enfonçant de plus en plus dans les mécanismes institutionnels étatiques, étant toujours plus prêts à s’en remettre aux appareils des partis et aux échéances électorales, et moins radicaux dans leur imaginaire social. Dans ce fossé, le mouvement anarchiste semble trouver sa position spécifique. Une partie de celui-ci poursuit le travail dans la durée, qui tend à transformer la société en changeant les pratiques personnelles et collectives pour aboutir à la « révolution », elle-même préparée et renforcée au maximum, soit comme force politique extra-institutionnelle, soit comme force sociale pourvue d’alternatives expérimentales et autogestionnaires depuis longtemps présentes dans une contre-société diffuse au niveau planétaire.

Une autre partie cherche à surpasser les réelles impasses par un activisme à tous crins, qui risque de se réduire à un nihilisme spectaculaire qui occupe les médias patronaux et étatiques sous l’étiquette abusive et généralisatrice des « black blocs ». Cet activisme est souvent sans imaginaire alternatif capable de regrouper et de capitaliser la rage au niveau individuel et collectif.

Le mouvement anarchiste est pris au piège entre, d’une part, une représentation médiatique limitée à quelques vitrines cassées, risquant de le bloquer dans la nécessité de résister à la répression ponctuelle qui en découle et qui empêche d’autres formes d’expression sociale et politique plus constructives ; et, d’autre part, une marginalisation insidieuse, et dans un certain sens voulue, par rapport aux partis plus modérés et institutionnels des mouvements « no global ».

Cette frange modérée suit souvent volontiers la scène médiatique planétaire avec ses grands sommets et contre-sommets qui ne laissent aucune trace concrète, autre que la gratification, dans la lutte quotidienne et piègent notre énergie en voulant opposer des gigantesques manifestations aux structures des pouvoirs politiques et économiques au lieu de les désarçonner avec d’autres pratiques.

C’est pour ces raisons qu’en tant qu’anarchistes italiens militant depuis des années au sein des mouvements « no global » et qu’en tant qu’anarchistes fédérés travaillant depuis des années sur le territoire italien nous pensons que le moment est venu de réfléchir ensemble pour trouver une stratégie politique et sociale de longue haleine qui sache s’inscrire dans la réalité quotidienne de l’agir anarchiste et libertaire en harmonie avec les mouvements d’opposition et de protestation présents dans le monde. Une stratégie qui puisse nous permettre de mettre en avant une proposition anarchiste et libertaire capable de nous ancrer dans l’imaginaire dissident en tant qu’expression visible d’une idée de transformation sociale égalitaire, anti-hiérarchique, autogestionnaire dans la sphère politique, sociale et économique.

La proposition que nous voulons présenter au mouvement anarchiste mondial est une grande assise des libertaires de tout le globe, réuni par l’appartenance à un idéal séculaire, au-delà des traditionnelles divisions de tendances qui ont enrichi notre pensée anarchiste par des positions plurielles et des tactiques différentes selon les lieux et les moments historiques.

Une rencontre qui nous fasse réfléchir sur la guerre permanente, sur la mondialisation criminelle, sur l’imaginaire libertaire à enraciner dans les sociétés toutes différentes les unes des autres, sur les tactiques à adopter et avec lesquelles se confronter, sur les buts à donner jour après jour à l’engagement militant et culturel de chaque compagne et compagnon.

Pour ce faire, nous sommes en train de travailler à un texte qui mette en place quelques considérations utiles à un parcours de réflexion et pour stimuler une confrontation collective plus large et convergente possible, sans aucune intention hégémonique, sans apparition de sigle et d’appareil de coordination stable pouvant servir à acquérir prestige et visibilité aux dépens des autres.

La méthode, pour parvenir à cette rencontre, sera le révélateur de l’honnêteté des promoteurs de l’initiative qui se construira à travers des moments organisationnels graduels qui engloberont toutes les personnes intéressées.

L’intention des promoteurs de ce projet est de travailler ensemble pour organiser une rencontre mondiale d’anarchistes et de libertaires, en Italie à Carrare en 2005, capable de recueillir idées et propositions de méthode et de fond par rapport à la présence toujours plus importante des anarchistes dans le conflit mondial qui se déroule en ce moment contre les formations souveraines de la mondialisation criminelle.

Cette initiative sera ouverte à tous ceux qui s’engageront au bon déroulement de la rencontre avec un apport manuel et intellectuel démontrant dans les faits le réel internationalisme solidaire des anarchistes qui anticipent l’idée d’une société libre et libérée, que nous portons dans notre cœur et que nous nous efforçons de faire vivre à chaque moment de notre activité et avec chaque fibre de notre existence.

Fédération anarchiste italienne