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Délocalisation de l’usine STMelectronics

Le jeudi 24 juin 2004.

Les salariés de cette entreprise de 600 travailleurs sur Rennes sont en lutte depuis un an contre la fermeture de leur usine, la délocalisation de leur outil de travail, et le plan de licenciement correspondant. La direction de STMicro a pris la décision de fermer le site de Rennes pour le délocaliser à Singapour, où la main-d’œuvre est à la fois moins chère et plus docile. Depuis le début du conflit, la direction de STM a été inflexible dans son refus de négocier un plan social « acceptable », c’est-à-dire où les salariés auraient mieux que le minimum légal en indemnité de licenciement. Sans doute pour donner une leçon aux salariés des autres sites… en vue de préparer leur future délocalisation… La caractéristique de cette usine est qu’elle se trouve dans un quartier d’habitation, et qui plus est, populaire. Les riverains se sont solidarisés avec les salariés. Le site est occupé depuis de nombreux mois, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, par une bande de nervis de la société Euro-Sécurité. Elle propose en outre à STM des prestations de garde du corps aux hauts cadres dirigeants du site rennais. Euro-Sécurité perçoit plus de 100 000 euros par semaine pour faire ce sale boulot.

Le jeudi 10 juin 2004, à 6 heures du matin, deux ou trois cars de CRS investissent l’usine, dans l’objectif de faire sortir des camions de déménagement avec les machines délocalisées…

Le réseau d’alerte téléphonique a plutôt bien fonctionné, et ce sont environ 250 personnes, salariés, habitants du quartier et militants politiques et syndicaux, qui se retrouvent aux entrées nord et sud de la boîte.

En voyant les semi-remorques prêts à sortir, les salariés mettent le feu à un tas de pneus et de palettes près de la sortie. Les pompiers interviennent pour éteindre ce ridicule incendie. Les CRS en profitent pour dégager vers 10 h 30 l’accès nord, en inondant le quartier de jets de pastilles et de grenades lacrymogènes… et en matraquant les plus combatifs. C’est alors que deux camions de déménagement sortent de l’usine. Ils sont suivis sur près d’un kilomètre, en pleine ville, par les salariés qui se mettent en travers de la route, et bombardent les camions de la société Bovis de yaourts ou œufs pourris. Les forces de répression de l’État réussissent, à force de lacrymo et de matraquage, à dégager les camions, qui peuvent nsuite rejoindre la rocade de Rennes. Pendant ce temps, les gros bras de Euro-Sécurité balancent des lacrymos et des cailloux sur les salariés restés sur place.

N’en déplaise aux médias qui ont annoncé la fin de la délocalisation, seules cinq machines sont sorties de l’usine. Selon le délégué syndical de STM, il en reste plusieurs centaines à l’intérieur. Ce travail de dépeçage pourrait donc durer tout l’été voire même au-delà…

Un camarade du groupe La Sociale de la FA, suite à une fausse alerte qui annonçait une sortie de machines du site de l’usine, est passé dans la nuit de samedi 12 au dimanche 13 près de l’usine pour en savoir davantage. C’est alors que les petites têtes de Euro-Sécurité lui ont sauté dessus en pleine rue (les interventions de vigiles sur la voie publique sont légalement interdites). Comme par hasard, les cow-boys de la brigade anti-criminalité (BAC) sont arrivés sur place peu de temps après, et ont emmené notre camarade à l’hôtel de police, où il est resté plus de treize heures en garde à vue, en se voyant reprocher un incendie que seuls les vigiles auraient pu provoquer. N’ayant pu prouver quoi que ce soit, et sentant le coup fourré des brutes de Euro-Sécurité, les flics ont relâché notre camarade en classant l’affaire sans suite, mais après un relevé anthropométrique et une photographie du visage. Bref, la répression n’a pas fini de tomber sur tous les militants investis dans les luttes. Nous vous tiendrons informés ultérieurement si cette affaire devait remonter à la surface.

Depuis l’expulsion des machines de STM, plusieurs initiatives militantes ont été proposées et réalisées. D’abord, la manifestation du samedi 13 juin, qui a rassemblé environ 600 personnes sur la place de Rennes : environ 200 salariés, et pour le reste, les organisations politiques de gauche (c’était quand même la veille des élections européennes) et d’extrème-gauche. Le cortège de la FA de Rennes était loin d’être ridicule. à noter l’absence des unions départementales des confédérations syndicales, hormis une partie de la direction syndicale de l’UD FO 35. Ce manque de soutien des UD fait particulièrement jaser dans le landerneau militant…

Le mardi 15 juin s’est tenu le concert de soutien aux salariés de STM, organisé par le groupe La Sociale de la Fédération anarchiste. Plus de 200 personnes ont assisté au concert du groupe Honoré Capsule, reprenant des chansons sociales et révolutionnaires telles que Laa Java des Bons-Enfants, la Makhnovtschina, etc. L’ambiance y fut très bonne. Les buvettes, galettes, saucisses et caisse de solidarité, ont permis de ramener pas mal d’argent à ces salariés en butte à la répression policière et judiciaire.

Enfin, autre initiative, le 26 juin, les salariés de STM organisent une assemblée générale des luttes avec les salariés d’entreprises qui connaissent des plans de licenciement. L’objectif est de réussir à terme à monter une coordination nationale contre les licenciements.

En l’état actuel de la lutte auprès de STM, on peut dire sans complexe que la Fédération anarchiste y a gagné en terme de visibilité militante, et de crédibilité par son investissement constant au service des luttes sociales. À cet égard, la venue le 29 mai dernier au 61e congrès fédéral de la FA du principal animateur de la lutte, le délégué syndical Jean-Marie Michel, son interview sur Radio libertaire, et les différents remerciements publics qu’il peut faire de notre action, ne peuvent que nous confirmer dans l’idée que l’investissement dans les luttes sociales doit être une priorité des anarchistes.

Pierre, groupe La Sociale, Rennes