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(Expressions)

« Les Lumières du matin »

de Robert Bigot
Le jeudi 8 février 2001.

Enfin, un ouvrage passionnant sur la Commune de Paris, pour les ados. Robert Bigot l’a dédicacé à ses enfants, pour « qu’on ne leur raconte pas l’Histoire ». Nous autres, ados ou plus, il ne nous est pas interdit de nous laisser raconter une histoire.

Dans le livre, Pascal Clarisse nous raconte son histoire. En 1866, il a dix ans, un frère et une sœur. Sa mère les emmène au lavoir de la rue Lepic. Lui, accroché au brancard de la brouette, son frère juché sur le tas de linge, mollement enfoui, et ballotté par les secousses des pavés dans un abandon qui fait envie… Louise les précède, portant le battoir et le savon.

Dans sa courte mémoire de gamin de dix ans, il y a fixée aussi, la rudesse de l’étoffe du pantalon de son père. Cet ouvrier typographe qui porte des habits de moleskine noire. Le front de Pascal atteint avec peine sa poitrine.

La famille de Pascal a dû immigrer sur les hauteurs de Montmartre. Les bourgeois des rues proches ne cessent de désigner son père comme un meneur dangereux. Un exalté, capable du pire. Déjà en 1848, il frise la déportation. Il a adhéré à l’Association internationale des travailleurs, sous la dure magistère du Prince Président. Ce neveu qui s’accommodait de plus en plus difficilement des dérives ouvrières de la Seconde République.

Pascal admire son père. Il rêve d’être un « adulte à son image ». Le destin s’en chargera. Et c’est la guerre et la débâcle impériale de 1870. Les Prussiens sont alors à une portée de canon de Paris. La colère va remplacer l’humiliation. Puis, c’est le dur hiver. La température descend à vingt degrés au-dessous de zéro. Le père de Pascal répète qu’« il est préférable d’avoir un tas de bûches plutôt qu’un sac de Louis ». Paris s’enflamme sous un ciel de feu et de colère. C’est le siège. Les Parisiens mangent du cheval (« un luxe »), du chat, du chien, du rat et pour finir de l’éléphant du zoo de Vincennes. Les émeutes de la faim se multiplient.

C’est l’un de ces soir sans manger, que Pascal surprend son père à pleurer. Thiers a capitulé. Il a signé l’armistice des ennemis ! La maman, aussi, se révolte, mais elle ne pleure pas : « nous n’allons pas laisser Paris aux Prussiens. Sans parler de la trahison de ceux qui prétendent gouverner ! »

Ah, non. Au printemps 1871, de Montmartre à Montrouge dans le Paris ouvrier et artisan, Pascal à quinze ans. La Commune, il la vit au jour le jour. Il y rencontre des gens fiers et chaleureux. Des Parisiens solidaires. Avec son père, à nouveau porte-drapeau de la révolte, il partage des instants d’émotion intenses.

Et l’on est frustré de devoir s’arrêter là… Comme un fait exprès. Il faut pourtant que nos ados aient envie de suivre Pascal au jour le jour, des jours de la Commune de Paris. Ce livre est écrit pour eux. Tout autant que pour les grands ados que nous sommes tous restés.

Un grand petit livre à dévorer, à faire dévorer, à faire connaître. Cet hiver communard nous fera patienter en attendant le prochain printemps !

Patrick Schindler, Christophe Tzotzis. — Claaaaaash


Les Lumières du matin. Robert Bigot Ed. Actes-Sud Junior — Collection les couleurs de l’histoire, 45 FF