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Décentralisation

Police partout

Le jeudi 6 mars 2003.

Vendredi 28 février, à Rouen, salle de spectacle du Zénith, le gouvernement venait faire son show. Raffarin venait parler de la décentralisation devant les élus de droite régionaux (les élus de gauche avaient décidé de ne pas participer, seul Chérèque de la CFDT était là !). Preuve que le sujet devait être important : le Premier ministre n’était pas venu seul, douze ministres l’accompagnaient (Sarkozy, Ferry, j’en passe et des meilleurs).

Outre les phrases creuses habituelles sur le fait que les propositions vont servir la France du bas (naïvement, je verrais plutôt qu’elles serviront les petits nobliaux et patrons locaux), Raffarin a décidé démocratiquement une vingtaine de transferts de compétences de l’État vers les régions. On retiendra l’« autonomie » des universités et l’implication des collectivités dans la gestion des moyens et personnels d’éducation à partir du secondaire (pas encore le recrutement des profs mais ça va venir) ainsi que le transfert de 150 000 fonctionnaires vers le statut territorial.

Il s’agit ni plus ni moins d’un nouveau démantèlement du service public, de la marchandisation de services, comme la culture, et d’une protection sociale à deux vitesses. Les régions étant mises en concurrence, suivant leurs richesses, cela va accentuer les inégalités d’accès à l’éducation, à la santé, à la culture… La première décentralisation ayant déjà abouti à de grandes inégalités entre régions.

Bref, devant ce grand show, on ne peut que déplorer la faible mobilisation. Alors que de nombreuses boites sont en train de fermer dans la région, alors que la mobilisation pour les retraites avait bien marché, il n’y avait que 500 manifestants conviés par une intersyndicale, le midi pour un « pique-nique de protestation et pour les retraites ».

Si les manifestants étaient peu nombreux, les flics, eux, étaient partout (2 000 selon les journalistes), à chaque carrefour, vérifiant les identités de ceux qui s’approchaient, ou cantonnés dans le lycée proche. Surtout, ils ont encerclé les syndicalistes et les ont contraints à quitter les lieux de façon nerveuse, virile et à coups de boucliers.

Le soir, idem. le collectif pour les Libertés fondamentales, celui de soutien aux sans-papiers, la FA, la LCR… appelaient à un rassemblement de protestation pour dire que « Raffarin et Sarkozy n’étaient pas les bienvenus ». Le rassemblement (sous la pluie battante et très excentré) ne comptait que 150 manifestants, mais bien plus de flics encore, casqués, énervés et cherchant, c’était clair, l’affrontement. Cela à plus d’un kilomètre du Zénith. Le rapport de force était tel que la manif ne put que se disloquer, pendant que les flics, par leur présence massive, créaient des bouchons monstres sur toutes les routes menant à Rouen.

Voilà, c’était ça ce spectacle : des cadeaux pour les notables et des flics partout… Ah oui, j’oubliais ce show s’appelait « assises pour les libertés locales », sous l’égide et la présence musclée de la police, on voit que cette liberté ne s’exerce que dans un sens, toute contestation, toute parole différente étant aussitôt muselées.

Jean-Pierre Levaray, groupe de Rouen de la FA