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éditorial du nº 1310

Le jeudi 6 mars 2003.

On a souri, avec plus ou moins d’amertume, sur la toilette inédite que les potentats algériens ont fait subir à leur capitale. Qu’on en juge : des fleurs à la place du béton, les murs blanchis de frais, l’éclairage public refait, plein de beaux drapeaux français — ceux d’avant 1962, retirés des greniers ? —, etc. Et tout cela pour un événement sans précédent, littéralement, pour la première visite d’État d’un président français. Mais oui, ce n’est pas Chirac, l’homme, le président, qu’on reçoit, mais l’État tout entier incarné. Bigre.

On pourrait croire que cette visite repose sur des considérations larges et généreuses, sur un désir, un besoin, de réconciliation. Nenni, l’État, ce monstre froid, s’en contrefout. Alors la stabilité du monde, la tempête annoncée sur le désert ? Pas beaucoup plus.

Alors quoi ? qulques chiffres, opportunément donnés par Michel de Caffarelli, président de la Chambre française de commerce et d’industrie en Algérie (CFCIA), au journal La Liberté. Les échanges commerciaux entre la France et l’Algérie ont progressé de 60 % entre 1999 et 2001. Peugeot et Citroën accaparent 70 % du marché algérien de voitures neuves. La France, entre 1998 et 2000, est le troisième investisseur en Algérie derrière les États-Unis et l’Égypte, avec 344 millions de dollars. La France serait le premier fournisseur du marché algérien, avec plus de 24 % de parts de marché, et son deuxième client. Hors hydrocarbures, la France est le premier client de l’Algérie avec 184 millions de dollars d’exportation réalisés en 2002, soit 37 % de ses recettes d’exportation, hors hydrocarbures toujours. Pour les produits pétroliers, les entreprises françaises livrent une concurrence acharnée aux américaines, qui dominent le secteur.

Seulement voilà : « Ce n’est pas toujours facile d’investir en Algérie », dixit le même de Cafarelli. Et peut-être est-ce là le vrai motif d’une visite en grande pompe. L’Algérie est sur le point de signer un accord d’association à l’Union européenne, comprenez de « libre échange ». Et le président français, voyageur de commerce commes ses prédécesseurs, tâche d’assurer à ses mandants, les capitalistes français, la part du lion dans ce futur marché. Il lui faut faire sauter quelques verrous concernant en particulier, nous dit La Liberté, « la problématique de tranfert des bénéfices ».

On a donc toiletté la ville, chassé les prostituées de l’avenue de l’ALN — en hommage à Sarkozy, sans doute. Et Chirac pourra dire qu’il a vue un pays prospère, des habitants heureux. Les autres, il ne les verra pas : quand les représentants de l’Interwilayas, sorte de conseil de la Kabilie révoltée, se sont présentés à l’ambassade de France, il leur fut répondu que Monsieur l’Ambassadeur ne recevait que sur rendez-vous, mais qu’ils pouvaient déposer un mot au service courrier. À eux Chirac ne dira pas : « Je vous ai compris ! »