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Désertion en Irak

Le jeudi 6 mars 2003.

Entre 1990 et 1994, environ 13 000 réfractaires ont refusé la guerre. La grande majorité en fuyant vers le nord de l’Irak, dans la zone contrôlée par les Kurdes [1]. »

En 1998, l’Irak a réintroduit dans son code pénal la peine de mort pour les réfractaires. Avec la menace de guerre actuelle, le nombre de réfractaires ne cesse de croître. En mars 2002, l’agence Irak-Press a rapporté que le refus de l’armée prenait des proportions alarmantes pour le régime. Environ 40 % des appelés ne se présentaient pas à l’incorporation militaire [2]. Cela a eu pour conséquence de raccourcir les permissions des soldats [3]. La traque des réfractaires s’intensifie, même les membres du parti Ba’ath sont menacés s’ils ne dénoncent pas les membres de leur famille qui refusent l’armée.

Malgré toutes ces menaces, le nombre des insoumis et des déserteurs augmente. Seule une minorité d’entre eux pourra fuir le pays, la grande majorité va vivre clandestinement ou bien va gagner le nord du pays tenu par les Kurdes. Ces réfractaires vont avoir besoin de notre solidarité. À ce jour, aucune structure de soutien n’existe pour ceux qui n’ont pu fuir l’Irak.

Traduit de l’allemand par Lou Marin
D’après l’article d’Andreas Speck
(porte parole de l’Internationale des résistants à la guerre) paru dans Graswurzelrevolution en décembre 2002


[1De Volkskrant, Pays-Bas, le 2 novembre 1994.]. À cette époque, suivant le décret 10/1988 qui était valide pendant la guerre de 1991, les déserteurs encouraient la peine de mort pour une désertion de plus d’un an ou pour une récidive. L’exécution était pratiquée par les militants du parti Ba’ath de Saddam Hussein. Après cette période, et en vertu du décret 115/1994, des milliers de réfractaires furent victimes de tortures. Coupe du lobe de l’oreille et tatouage d’une ligne sur le front. Un réfugié irakien qui fut réfractaire à 22 ans a subi cette torture, il en a fait le récit suivant : « Les quartiers furent raflés systématiquement par les militants du parti. Ils m’ont arrêté ; deux semaines plus tard, ils me transféraient à l’hôpital militaire d’El Qadissiyahz. Ce jour-là, nous étions environ deux cents, pas uniquement des réfractaires ; avec nous se trouvaient des personnes soupçonnées par les militants du parti de propager des "mensonges". Après nous avoir disposés en ligne, ils nous enchaînèrent les mains derrière le dos et nous conduisirent dans des chambres avec des lits. Moi je n’oublierai jamais le moment où ils nous coupèrent l’oreille avec un scalpel. Ils ne pratiquèrent aucune anesthésie. Après avoir coupé les oreilles, ils couvraient la blessure avec un morceau de coton. Nous avons été traités comme des bestiaux. J’ai vu un homme dont le sang coulait du nez qui hurlait de douleur tout en sautant comme une poule à laquelle on a tranché la gorge. Personne ne s’occupa de lui. Parmi nous, certains eurent les deux oreilles coupées[[Fédération Internationale de la Ligue des droits de l’homme, Paris, 2002.

[2« Desertion reaches alarming rates in Iraqi army », Irak-Press, 30 mars 2002.

[3« Iraq army cancels leave, mounts patrols to hunt down deserters », Irak-Press, 21 juillet 2002.