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Les Femmes et les religions

ou comment les religions sont un facteur fondamental d’oppression pour les femmes
Le jeudi 18 mars 2004.

Dans ce texte, je fais référence à quatre religions : l’islam, le judaïsme, le catholicisme et le bouddhisme. Je commencerai par parler de ce que je connais bien, c’est-à-dire le catholicisme, ayant été élevée dans cette religion, puis des autres religions, en faisant référence à des lectures. J’analyserai quel est le rôle qui est imparti aux femmes dans toutes les religions et j’essaierai de démontrer en quoi les femmes ont tout à perdre à s’aliéner à une religion, quelle qu’elle soit.

Les femmes et le catholicisme

Quelques souvenirs d’enfance : le port des mantilles religieuses ou chapeaux pour les femmes à l’église, la lecture à l’adolescence d’un livre sur la sexualité où il était écrit qu’une femme se devait d’être disponible pour son époux, celui-ci n’ayant d’autres ressources pour lui prouver son amour que la sexualité hétéro-normée, évidemment selon son bon vouloir.

La lecture des épîtres de saint Paul était aussi édifiante : il faut savoir que j’ai eu un parcours religieux exemplaire, j’ai fait ma communion solennelle et ai donc eu droit à une Bible dans laquelle j’ai puisé ces extraits.

« Il est bon pour l’homme de s’abstenir de la femme… » (épître 1 « mariage et virginité »).

« Le chef de tout homme, c’est le Christ ; le chef de la femme, c’est l’homme. »

« Si donc une femme ne met pas de voile, alors qu’elle se coupe les cheveux ! Mais si c’est une honte pour une femme d’avoir les cheveux coupés ou tondus, qu’elle mette un voile… »

« Ce n’est pas l’homme en effet qui a été tiré de la femme mais la femme de l’homme et ce n’est pas l’homme bien sûr qui a été créé par la femme, mais la femme pour l’homme. Voilà pourquoi la femme doit avoir sur la tête un signe de sujétion à cause des anges… » (cf. première épître aux Corinthiens, « le bon ordre dans les assemblées, la tenue des femmes »).

« Je ne permets pas à la femme d’enseigner ni de dominer l’homme. Qu’elle se tienne donc en silence. C’est Adam, en effet, qui fut formé le premier. Ève ensuite. Et ce n’est pas Adam qui fut séduit, c’est la femme qui, séduite, tombe dans la transgression. » (cf. épître de Paul à Thimotée 1 : 2/12-14).

Gabrielle Feuvrier, religieuse d’un ordre contemplatif, dit : « La création se fait dans la séparation […], “homme et femme il les créa”. » Il y a là une séparation, la marque indélébile d’une différence. J’ai découvert combien cette altérité fondamentale est structurante pour la vie de l’humanité, pour ma propre vie.

« Me reconnaître femme, c’est donc faire droit à ce que je suis dans le dessein du Père ; c’est faire droit à l’autre, homme, dans sa différence. Je crois que cette vie dans la différence sexuelle reconnue avec simplicité m’ouvre sur toute différence, sur toute altérité. C’est un chemin et je goûte de le parcourir à la suite du Christ chaste, pauvre, obéissant, lui, le modèle d’humanité. »

Le tableau est bien brossé : pour la femme, obéissance, soumission, d’abord à l’homme puis à Dieu et pour l’homme, obéissance à Dieu et domination sur la femme.

Les femmes et l’Islam

La position des femmes dans la religion musulmane n’est pas meilleure. On lit dans un texte sur la bonne éducation à donner aux enfants :

« Beaucoup d’Occidentaux sont homosexuels ou sont moralement disposés à accepter cette déviation. Mais beaucoup d’entre eux considèrent ça comme immoral, de même que nous le faisons. »

« Beaucoup d’Occidentaux sont pour l’avortement mais presque autant sont contre cela. […].

« Nous devrions ensuite mettre l’emphase sur le mal provoqué par les choses interdites par l’islam, par exemple la mort par accident, les vies ruinées, les foyers brisés à cause de l’alcool et les drogues etc., et le sida à cause de l’homosexualité. » (cf. article du docteur Ahmad Shafaat, 1986, extrait d’un texte paru sur Internet).

« Lorsqu’on annonce à l’un d’entre eux la bonne nouvelle (de la naissance) d’une fille, son visage noircit et il suffoque (de colère). » (Sourate 16, verset 58).

On peut remarquer que dans la religion musulmane, la place des femmes n’est pas si catastrophique qu’on pourrait le penser à condition qu’elles soient mères ou épouses fidèles, la fidélité n’étant pas réciproque puisque l’homme peut être polygame.

Et toujours la sempiternelle image de la femme portée au statut de sainte si elle est mère.

À la question : « Qui a le plus droit à ma bonne compagnie ? », le prophète Mouhammad répondit : « Ta mère, puis ta mère et encore ta mère, ensuite ton père… »

Quant au voile, voilà ce qu’une femme « instructeur du dogme religieux musulman », puisqu’elle n’a pas le droit au terme d’imam, pour ne pas être à égalité avec l’homme, en dit : « Le voile est prescrit dans le Coran, dans plusieurs sourates. » «  Ô prophète ! Dis à tes épouses, à tes filles et aux femmes des croyants de ramener sur elles leurs voiles […] et qu’elles rabattent leurs voiles sur leurs poitrines et qu’elles veillent à ne pas étaler leurs ornements, sauf devant leur mari, leur père […]. »

Si tant est qu’on puisse considérer que le fait d’être une sommité religieuse soit une libération, il n’est pas question pour les hommes de leur laisser cette prérogative et toujours pour les sempiternelles raisons de rôle imparti en fonction du sexe.

Voici ce que dit Dalil Boubakeur, recteur de la grande mosquée de Paris : « Dans la liturgie musulmane, il n’y a pas de femme imam. Lors de l’office, une femme peut se placer devant un groupe de femmes et guider la prière. C’est la seule attitude tolérée. » (cf. Paris Match interview d’Olivia Catan p. 10).

Et une fois de plus, surtout les femmes ne doivent pas prendre une place qui ne leur est pas réservée, donc autre que celle de relais de la bonne parole.

Les femmes et la religion juive

Pour ce qui concerne la religion juive, il n’est que de voir le téléfilm paru sur Arte : épouses soumises, pour être édifié par la condition des femmes dans cette religion.

Le symbole de l’impureté, lié aux menstrues (pas spécifique au judaïsme), est significatif de l’inégalité criante que les femmes subissent dans les milieux intégristes. À tel point qu’une femme, même très malade, ne peut être aidée par son mari si elle a un malaise. Ce dernier ne peut la secourir, celle-ci étant considérée comme impure.

Quant à leur position dans la société : « Ces femmes s’appliquent sans doute à devenir celles qui, demain, seront les meilleurs compagnons d’étude de leur mari, ainsi que le Rav Kook l’avait enseigné… » (cf. site Internet sur la place des femmes dans le judaïsme).

Comme le souligne David Messas, grand rabbin de Paris : « Dans la religion juive, l’homme étudie, la femme prie et transmet la religion à ses enfants […] La Torah a prévu des séparations entre hommes et femmes pour ne pas entraver la concentration de l’homme peut-être pour nous sauvegarder de nous-mêmes. En aucun cas pour différencier la valeur spirituelle égalitaire homme-femme. » (cf. Paris Match, interview de Catherine Schwaab, p. 8).

Autrement dit, Chacun.e chez soi et les vaches seront bien gardées, de préférence par les femmes !

Les femmes et la religion bouddhiste

J’aurais eu tendance à croire que le bouddhisme, porteur d’un idéal non violent, avait une vision plus égalitaire des relations entre les femmes et les hommes, eh bien je m’étais trompée.

« Si une femme est cruelle, si elle est corrompue dans sa pensée, si elle néglige son mari, si elle n’est pas aimable, si elle est enflammée à cause d’autres hommes, si elle souhaite la disparition de son mari, alors on peut dire qu’elle est une femme semblable à une meurtrière ». « Si une femme est paresseuse […], alors on peut dire qu’elle est une femme semblable à une patronne. »

Et au contraire : « Si une femme supporte les difficultés venant de son mari, si elle supporte tout avec calme et avec un cœur pur, si elle est obéissante à la parole de son mari, si elle est libérée de la colère, alors on peut dire qu’elle est une femme semblable à une servante. » « Si une femme est sympathique […], douce dans sa pensée […], si elle est obéissante à son mari […], après la mort elle se promènera dans le bonheur céleste. » (cf. Sermons du Bouddha, chapitre VII, Conseils à une femme excessive, Bhariya-Sutta).

Il est évident qu’un homme ne peut pas être excessif, tout juste viril.

Les femmes n’y ont rien à gagner

Cette suite de citations insiste sur des idées rédhibitoires à toutes les religions :
— Une femme ne peut s’épanouir que si elle est une bonne épouse, une bonne mère et évidemment une bonne croyante.
— Elle n’a aucune autre existence en dehors de cette identité et justifie toutes les exactions à son encontre : violences, viols, inégalités sociales, politiques et économiques.
— De tous temps, quelles qu’aient été les religions polythéistes ou monothéistes, les femmes ont été considérées comme inférieures, et les différents pouvoirs politiques ont utilisé les religions pour mieux les asservir.
— À l’époque de l’Inquisition, elles ont été brûlées comme sorcières, par ailleurs excisées, infibulées, voire violées ou violentées, ou au mieux ignorées.

Pour avoir baigné dans le puritanisme catholique pendant toute mon enfance et avoir eu un mal fou à me libérer de ce carcan moralisateur entraînant un sentiment de culpabilité énorme quand je n’étais pas une bonne mère ou une bonne épouse, je voudrais faire mienne la parole d’Emma Goldman qui écrivait en 1906 : « Il est de toute nécessité que la femme retienne cette leçon : que sa liberté s’étendra jusqu’où s’étend son pouvoir de se libérer elle-même. Il est donc mille fois plus important pour elle de commencer par sa régénération intérieure ; de laisser tomber le fait des préjugés, des traditions, des coutumes. » (cf. « La tragédie de l’émancipation féminine », Emma Goldman 1906, traduit par E. Armand (1914), p. 185, « Lutte des sexes, lutte des classes », éditions Agone).

Autrement écrit : « Ni dieu, ni maître, ni ordre moral ! »

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