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Révolte de masse au Zimbabwe

Le jeudi 2 avril 1998.

L’action de masse a fait trembler la classe dirigeante et son chef Robert Mugabe. Une grève générale fut déclenchée le 9 décembre 1997 à l’appel du Congrès des syndicats du Zimbabwe (ZCTU). La grève a paralysé le pays et a été la plus réussie depuis l’indépendance de 1980. Les travailleurs ont protesté contre une coupe de 5 % dans les salaires et contre des hausses massives dans les prix des carburants et des taxes.

La police a attaqué l’important cortège de travailleurs à Harare, tirant des grenades lacrymogènes depuis des véhicules mobiles sur les manifestants. Ces derniers ont essayé de repousser la police anti-émeute en élevant des barricades d’ordures, de bois et de panneaux de signalisation.

Deux jours plus tard, sept « hommes non identifiés » ont frappé Morgan Tsvangirai, secrétaire général du ZCTU, l’abandonnant inconscient dans son bureau. Il a dû être hospitalisé très rapidement. Le régime de Mugabe a finalement dû renoncer aux coupes dans les salaires ainsi qu’aux hausses de taxes et des prix des carburants.

Les « anciens combattants »

L’origine de la grève remonte aux protestations des vétérans de la guerre de libération de juillet et août 1997. Le gouvernement avait arrêté de payer les pensions des vétérans en mars lorsqu’il fut découvert que les politiciens plus anciens et les officiels avaient détourné près d’un million de Rands (environ 1 million de francs) du Fond de compensation de la guerre.

Des centaines d’anciens combattants campaient devant la résidence officielle de Mugabe, le huant à la journée de commémoration des Héros ; ils envahirent également les locaux du parti au pouvoir, le ZANU-PF (où ils urinèrent sur les murs afin de montrer leur dégoût). Ils semèrent la pagaille au Sommet des patrons investisseurs africains/afro-américains. Pendant que des patrons noirs discutaient sur le « pouvoir noir », leur police anti-émeute dispersait les vétérans et leur gouvernement bannissait des grèves et des protestations qui avaient déréglé les services et la « sécurité publique » pendant deux semaines.

Le but, non avoué, de la réduction des salaires et des hausses de prix était de remplacer l’argent du fond de compensation volé par les pilleurs locaux. Mais cette manœuvre échoua.

Vague de grèves

Pourtant, à partir de juillet, une vague de grèves s’abattit sur les compagnies de sécurité, les hôtels, les restaurants, la construction, les banques, les chemins de fer et le textile. Les postiers démarrèrent une grève du zèle. Dans la plupart des cas, les travailleurs demandaient une augmentation des salaires de 40 %.

À la fin septembre, les travailleurs des fermes démarrèrent leur première grève nationale organisée, contre les propriétaires terriens blancs et noirs. « Nous avons courbé l’échine longtemps » s’écria un gréviste, « Nous pouvons nous lever pour nos droits ». Des milliers de travailleurs chantant envahirent les fermes et bloquèrent les autoroutes. à la mi-octobre, ils obtinrent une hausse de leurs salaires de 40 % et des jours de congés supplémentaires.

Réforme agraire au Zimbabwe

Face à la révolte de masse, Mugabe le désespéré a été obligé d’établir des plans concrets pour une large réforme agraire et cela pour la première fois depuis 17 ans. Il a promis de redistribuer 1772 fermes appartenant à des blancs.

Plusieurs questions restent en suspend. Mugabe a indiqué qu’il payerait les fermes, mais il n’a pas signalé comment il rassemblerait l’argent. Aussi peut-on avoir des doutes sur la mise en place de cette réforme. Il semble peu probable que les plus pauvres bénéficient vraiment d’une quelconque réforme agraire. Presque toute la terre « redistribuée » depuis les 17 dernières années a été donnée aux politiciens, aux bureaucrates hauts placés, aux chefs de l’armée et de la police et à leurs parents. Il y a peu d’espoirs que cela change. Les responsables officiels ont toujours été favorables à ce que la terre soit utilisée dans le cadre de fermes commerciales, c’est-à-dire de fermes capitalistes. La réforme agraire devrait remettre en cause à la fois les gros pontes capitalistes noirs et blancs. Mugabe, se concentrant exclusivement sur les fermes appartenant aux blancs, essaye de cacher et de protéger les patrons noirs. L’affirmation stupide du régime, comme quoi les patrons blancs, opposés à la réforme agraire, seraient derrière les grèves récentes, est une tentative pour diviser les ouvriers et les paysans et pour cacher le fait que, comme le signale le ZCTU, la plupart des patrons sont noirs.

La seule issue pour les masses, pour que cette réforme agraire ne soit pas kidnappée, est d’accroître la pression par la lutte pour la terre aux pauvres. L’action de masse doit unir les ouvriers, les paysans et les vétérans dans une lutte pour la terre et la liberté.

Workers Solidarity
Afrique du Sud