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Coup de feu sur l’or noir

Le jeudi 23 janvier 2003.

En fin de semaine dernière, sur le New York Mercantile Exchange (Nymex), le baril de brut dépassait les trente-trois dollars. « Passé les trente dollars, le prix du pétrole devient un problème présidentiel aux États-Unis, un problème qui affecte l’économie américaine. Ce n’est sûrement pas le moment propice pour une attaque (sur l’Irak) », affirme Youssef Ibrahim, expert du Moyen-Orient au Conseil de politique étrangère américain. « Je pense qu’il (Bush) a toujours un plan, peut-être pour fin février. »

Malgré le relèvement de ses quotas de production de 23 millions de barils par jour à 24,5 millions, l’OPEP n’a guère enrayé la flambée des cours de l’or noir par sa décision. En effet, les marchés réagissent davantage en fonction de la grève de l’industrie pétrolière qui frappe le Venezuela (cinquième exportateur mondial) depuis maintenant plus de six semaines. Les USA ne peuvent se passer d’un pays qui compte pour 7 % de leur consommation, capable de les livrer en quatre jours contre quarante pour les autres membres de l’Opep. D’autant que les stocks commerciaux américains sont au plus bas depuis vingt-sept ans à 272 millions de barils, deux millions au-dessus du niveau considéré comme la limite inférieure pour un bon fonctionnement des raffineries. Si ces derniers atteignent un plancher sensible, les réserves stratégiques, quant à elles, se montent à plus de 600 millions de barils, soit l’équivalent de 300 jours d’importations du Proche-Orient. Et il n’est pas question d’y puiser, « les stocks stratégiques sont là pour les cas d’urgence, tels qu’une guerre ou un embargo qui restreindraient les importations en provenance du Moyen-Orient », explique John Felmy, chef économiste de l’American Petroleum Institute.

Les États-Unis ont toujours été à la recherche de leur indépendance pour leur approvisionnement en produits énergétiques. Alors que les importations américaines de brut représentaient 21,5 % de la consommation dans les années soixante-dix, elles comptaient pour 51 % en 2000. Aujourd’hui, la part de la production de l’Opep a fortement diminué depuis le premier choc pétrolier il y a trente ans. Par contre, malgré des investissements colossaux dans la recherche de nouveaux champs d’exploitation, la part des pays du Golfe dans les réserves mondiales n’a pas diminué : elle représente toujours 65 % des réserves mondiales, dont 25 % pour l’Arabie Saoudite et 10 % pour l’Irak. Ainsi, un changement de régime en Irak en faveur des États-Unis impliquerait une redistribution du pétrole irakien au profit des compagnies américaines, libérant ainsi le gouvernement nord-américain du partenariat du cartel, et amènerait à terme un retrait de l’Irak de ce dernier. De plus, une bonne part des dirigeants américains a des intérêts dans l’industrie pétrolière : par exemple, Dick Cheney est l’ancien président de Halliburton, deuxième géant parapétrolier derrière Schlumberger.

Autre conséquence : la Chine — premier producteur et consommateur mondial de charbon — voudrait passer pour un pays propre selon le protocole de Kyoto pour l’organisation des Jeux Olympiques en 2008, en diminuant la part de charbon utilisée comme produit énergétique par le pétrole. En 2002, l’empire du milieu a importé 69,4 millions de tonnes de brut, soit 15,2 % de plus que l’année précédente. Selon certains analystes, l’accroissement de ses importations devrait se situer autour de 18 % l’an. La mainmise des États-Unis sur les pays du Golfe, et sur ses ressources énergétiques, serait un coup dur porté aux Chinois. Eux aussi très soucieux de leur indépendance énergétique.

Pascal, groupe Louise-Michel