Rude, rock and reggae. C’est autour de cette thématique que tourne le troisième numéro de My Way, graphzine animé par un collectif d’auteurs parmi lesquels on retrouve Chester (également éditeur de la chose), Dutreix, Chandre, Matt Konture, Melvin, Larcenet, Pipéro, et j’en passe. Histoires pleines de dread locks, de salles de concerts enfumées et de spliffs aux effets sournois, qui donnent à leurs auteurs quelques bonnes occasions de régler des comptes avec un style musical — voire un style de vie pour certains — bourré de contradictions (entre rastafarisme, penchants sexistes, et culte imbécile de Jah, où est la rébellion dans le reggae ?). Dans le style, j’ai bien aimé les planches de Melvin (une pure tuerie, au sens propre !), ainsi que le texte de Vérole. Le reste du graphzine continue ses allers-retours entre musique et BD avec une interview fort sympathique de Jean Solé, une autre — instructive mais pas forcément édifiante — de l’ex-chanteur des Porte-Mentaux, et quelques textes d’anciens combattants du punk dont l’intérêt ne m’a pas paru indiscutable. L’ouvrage se termine en images par un hommage posthume à Joey Ramones. Belle publication underground en tout cas qui, outre quelques sérieux crayons, s’offre une couverture en quadri véritable. 6 euros port compris chez Valice Productions, 39, rue François Mitterrand, 91 510 Lardy. Web : http://chester.b.free.fr
Paru pour la première fois en 1935, Capitale vient d’être réédité par les Editions du Ravin Bleu. Son auteur, Frans Masereel (1889-1972), peintre, dessinateur et graveur, collabora à plusieurs revues pacifistes, publia les écrits de Henri Barbusse et Romain Rolland, et illustra de nombreux bouquins. Ses recueils de gravures constituent une critique particulièrement mordante de la société de l’entre-deux guerres, et attaquent avec force toutes les formes d’oppression. Sorte de reportage-pamphlet graphique, Capitale illustre en 66 dessins la ville moderne. Agitations ineptes et parfois tragiques, course à l’argent, frivolités et mondanités, personnages grotesques ou pathétiques, ennui, exclusions, désespoirs, cynisme et mort, on parcourt la ville comme on visiterait un vaste musée des horreurs quotidiennes, ordinaires et si terriblement révoltantes. Le trait de Masereel est vif, nerveux, son dessin dense et synthétique, on en prend littéralement plein les yeux. Le plus terrible, dans tout cela, c’est que la capitale qu’il dépeint ressemble singulièrement, hélas, à celles où les hommes vivent encore aujourd’hui. 10 euros chez Publico. Site web : http://ravinbleu.com
Face au retour de l’ordre moral et aux attaques que subissent les femmes et les homosexuel(le)s partout dans le monde, No Pasaran a sorti le mois dernier un numéro hors-série spécialement consacré au patriarcat et aux luttes qui s’y opposent. La situation n’est certes pas brillante, et il est des domaines où le féminin l’emporte malheureusement sur le masculin : pauvreté, exploitation au travail, violences domestiques, agressions sexuelles, Comme si cela ne suffisait pas, plusieurs gouvernements (dont celui de notre beau pays) s’en prennent aux avancées sociales acquises de haute lutte par les militantes d’hier et d’aujourd’hui : disparition annoncée des gynécologues médicaux, avortement et droits des femmes sérieusement remis en question en Autriche et en Italie, et la liste risque de s’allonger encore. Pour démêler les fils d’un problème éminemment complexe, No Pasaran développe 5 longs dossiers, respectivement consacrés à la construction des sexes, aux homophobies, aux violences faites aux femmes, à l’exploitation mondialisée des femmes, et aux luttes antipatriarcales. Un numéro assez complet en somme, auquel il manque peut-être un angle plus spécifiquement orienté vers le religieux. La mise en page et les illustrations sont, quant à elles, tout simplement superbes. 5 euros chez No Pasaran, 21 ter, rue Voltaire, 75011 Paris (chèques à l’ordre d’Émancipation).
’’André Sulfide