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Marseille

L’Offensive qui fait PAM !

Le jeudi 22 janvier 2004.

La Bonne Mère en tremble encore : des précaires marseillais s’organisent et pratiquent la démocratie directe. Ensemble vers le grand boum ?



L’idée de convergence des luttes devient de plus en plus présente dans le militantisme marseillais (et peut-être partout ?). Dans cette optique, AC ! 13 a pris l’initiative de lancer un appel à tous ceux et celles qui partagent un sentiment d’impuissance face à la précarisation grandissante de la société. Le 29 novembre se sont ainsi rassemblées à Marseille, pour la première fois, plus d’une centaine de personnes. Tout ce monde, militant.e.s aguerri.e.s dans divers groupes pour certain.e.s, d’autres continuant les luttes du printemps, ou encore seulement intrigué.e.s par l’appel du PAM, s’est retrouvé en assemblée constitutive des « Précaires associé.e.s de Marseille ».

Le PAM, pour quoi ? Pour qui ?

Motivé par le désir de faire front face à la politique de casse sociale du gouvernement, le Pam se réunit sous la forme d’une assemblée souveraine, fonctionnant sur des bases de démocratie directe, dans un cadre « No logo ». Aucun parti n’est invité, aucune organisation n’est favorisée, aucun syndicat n’est signataire… Seuls les présent.e.s peuvent s’exprimer en tant qu’individu et apporter au groupe leurs avis, leurs propositions. Le mode de fonctionnement interne de l’assemblée, aussi bien que les actions entreprises par le groupe, sont décidés et construits par l’ensemble des individus présents. Démarche intéressante, car bien que regroupant des personnes de tous horizons, elle démarre sur des bases clairement libertaires.

Le Pam prétend, en regroupant étudiant.e.s, retraité.e.s, sans-papiers, salarié.e.s, chômeur.se.s, etc., favoriser l’émergence des nouvelles formes de luttes. Par exemple, des occupations simultanées en différents lieux de la ville avec un tract commun ; des manifestations sous une même banderole, sans la multitude de drapeaux et logos habituels où chacun noie ses propres revendications dans le brouhaha général… À travers ce rassemblement hétéroclite d’individus, le Pam permet également le partage des moyens de diffusion et d’information, et favorise une certaine éducation populaire de la lutte. Ceci pouvant éventuellement amener à de nouvelles formes d’action, initiées par le rapprochement des expériences, qui seront d’autant plus riches que le Pam regroupera un nombre important de participants.

Le PAM dans la réalité

Le Pam étant, entre autres, un lieu d’expérimentation et de mise en pratique de la démocratie directe, il est pour l’instant difficile d’apporter un jugement concret sur son impact dans le mouvement social marseillais.

Au niveau de l’assemblée générale et du nombre de présent.e.s, il est difficile de s’organiser efficacement, autant dans les prises de décision du fonctionnement interne que dans les actions à mener. Par exemple, les interventions lors de l’AG ont porté davantage sur les actions, au détriment de l’établissement d’un fonctionnement de base du Pam. L’outil « tour de parole-modérateur » comme moyen d’expression en assemblée montre vite ses limites quand nombreux sont ceux et celles qui veulent parler dans un laps de temps limité. Alors, on s’aperçoit qu’appliquer la démocratie directe pose des contraintes qu’il est nécessaire de gérer sous peine de voir l’assemblée sombrer dans un désordre favorisant l’émergence d’une hiérarchie.

Par ailleurs, les participant.e.s venant essentiellement du vivier militant masculin local, il est dès le départ plus difficile pour un non-militant ou une femme — et encore plus pour une femme non militante — de s’exprimer (utilisation d’un vocabulaire spécialisé, connoté ; rapports de domination ; la gêne du « débutant.e » face à la familiarité dont font preuve des ancien.ne.s militant.e.s entre eux et elles, etc.). Le Pam se voulant un outil de lutte pour les précaires quels que soient leur genre et leur degré d’implication dans les mouvements sociaux, comment l’ouvrir à un public plus représentatif de la réalité marseillaise ? Comment toucher ceux et celles moins présent.e.s : femmes, immigré.e.s, familles monoparentales, habitants des quartiers, etc ?

Dans le Pam, le nombre et la diversité des individus sont intéressants pour l’impact des actions, mais aussi pour montrer que la précarité a plusieurs visages et qu’elle se manifeste sous diverses formes en fonction des individus (à travers le logement, l’emploi, le chômage, l’accès à la culture, aux services publics, à la santé, etc.). Mais s’il devient relativement facile de s’attaquer à la précarité sur un terrain plus global, de l’identifier et de la dénoncer dans son ensemble, il est plus délicat d’émettre des alternatives qui réunissent l’ensemble des acteurs du Pam.

Le PAM avant le grand boom ?

Malgré les doutes et les questionnements de chacun, la première manifestation du Pam, samedi 6 décembre, montre qu’il est quand même possible de regrouper sous une même banderole des individus de différentes idéologies. Même si l’assemblée générale n’a pas prévu la manifestation de manière détaillée, la spontanéité et l’enthousiasme ont permis que le Pam se montre aux Marseillais.e.s au travers d’une action animée et conviviale.

Reste que l’évolution prochaine du Pam ne dépend que de ce que les Marseillais.e.s voudront bien en faire. Que le mouvement s’amplifie via son appropriation par la population ou qu’il vivote péniblement entre convaincu.e.s, le fait est qu’il restera un outil intéressant par les horizontalités qu’il génère.

En somme, le défaitisme ambiant ne doit pas nous décourager. L’expérience du Pam montre qu’il est toujours temps de construire sur des bases libertaires un outil de convergence des luttes. Un nouveau rayon de soleil libertaire perce la grisaille du défaitisme ambiant pour réchauffer Marseille. Peut-être demain fera-t-il beau sur toute la France ?

Gaël e Jocelyne