200 à 300 personnes lors de la première action le 17 octobre, plus de 500 personnes lors de la seconde action le 7 novembre : il n’y a plus de doute, les publicités du métro sont dans une mauvaise passe. Des fous furieux s’attaquent de manière sauvage au métro ? Non, seulement des publiphobes pacifiques et joyeux, mais organisés et équipés qui passent en revue à grands coups de pinceaux et de peintures les pubs une à une.
La RATP cherche des solutions à ce dossier épineux. C’est tout d’abord l’arsenal répressif qui est utilisé : ils ont lâché leurs chiens ou plus exactement leur milice, c’est à dire les GPSR, aidés des forces de l’ordre de la République. Entre temps, le 6 novembre, juste avant la seconde action, ils s’engagent aussi sur la « voie » juridique : par une lettre d’huissier remise en main propre, Metrobus, régie publicitaire de la RATP, demande à Ouvaton de fermer sans délai le site stop.ouvaton.org « qui appelle, de façon non équivoque, à la dégradation des espaces publicitaires dans le métro parisien ». C’est que, si l’hébergeur Ouvaton n’obtempère pas, Metrobus le menacerait de le poursuivre en justice sous prétexte de complicité à des personnes auteurs d’un délit…
L’hébergeur Ouvaton n’a qu’une seule réponse : « En deux d’existence d’Ouvaton, c’est la seconde fois qu’un auxiliaire de justice procède ainsi à une mesure d’intimidation à l’encontre de notre coopérative d’hébergement (3450 sites hébergés). Celle-ci a par ailleurs répondu dans les plus brefs délais à 3 requêtes judiciaires véritables. L’expérience montre le faible nombre de litiges et leur nature essentiellement civile. Rien qui n’exige la légalisation de procédures extra-judiciaires… qui seraient elles-mêmes génératrices de très nombreuse contentieux en même temps qu’elles institutionnaliseraient une sorte de privatisation de la justice. Alors que l’examen en seconde lecture de la LEN [Loi sur l’économie numérique] est proche, la coopérative renouvelle son attachement à l’équilibre de la législation actuelle et proteste vigoureusement contre les comportements de ceux qui feignent d’ignorer les règlements qu’ils sont censés faire appliquer. »
Pour résumer, à travers la future LEN, nos amis législateurs souhaitent confier aux hébergeurs un rôle de juge et de censeur : cette loi renforce la responsabilité des hébergeurs, qui seront tenus de supprimer l’accès à un contenu potentiellement préjudiciable, dès qu’un tiers leur aura simplement notifié qu’il s’estimait lésé. Jusqu’ici, pour fermer un site, il fallait lancer une action en référé… procédure plus longue et plus coûteuse. C’est donc une véritable chape de plomb qui va tomber sur le Net, nous éloignant toujours un peu plus de pratiques démocratiques.
Mais au-delà de cette démocratie qui s’effrite, on cause ici d’autre chose que le seul combat juridique ne pourra pas étouffer. On cause de pubs qui nous agressent quotidiennement dans le métro, notre quartier, nos journaux, nos boîtes à lettres et je ne sais où encore. Écoutez ces experts en marketing qui essaient de trouver chaque jour de nouveaux emplacements publicitaires. Et ces banlieues ravagées par les panneaux de 4 mètres par 3, alors que dans le 16e on ne trouve que couic… Ces blondes livides prêtes à affoler notre libido pour nous vendre… un yaourt ! Anodin ? Non, car progressivement suite à ce matraquage, nous acceptons une par une des normes qui standardisent nos désirs, notre perception des autres et finalement qui nous imposent une société que nous ne sommes même plus capables de contester. La consommation comme seul objectif et des idées rétrogrades comme seule réflexion. Voilà le problème qui est posé, auquel ne veut pas répondre la RATP et autres responsables de cette situation.
C’est qu’il y a de quoi s’inquiéter : un site sur Internet, quelques tracts et voilà 500 personnes qui défigurent le métro parisien mondialement connu ! Comment combattre contre de tels agissements qui en plus ont le culot d’être populaires ? Mais où va-t’on ? Pendant combien de temps ça va durer ? On va pas tout de même interdire à la vente les pots de peinture ? Et si l’idée leur venait de sortir du métro ? Voilà leur peur, voilà notre espoir. Des actions comme ça, nos responsables n’en veulent pas. Des champs d’OGM fauchés en un temps et trois mouvements, des trains nucléaires qui ont un mal fou à arriver à destination, des systèmes d’échanges locaux non marchands, les expériences éducatives alternatives, des squats que l’on a beau fermer et qui s’ouvrent toujours plus dans nos villes, et ces ouvriers qui occupent leurs usines et menacent de la faire péter… Quoi ? Seulement des hommes et des femmes qui tentent de prendre en main leur vie.
François, Claaaaaash