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Afghanistan

la parole aux femmes
Le jeudi 18 octobre 2001.

Depuis quelques années, une poignée de militantes et de militants relaie sans relâche la lutte des femmes afghanes et dénonce le régime des talibans. Sans grands remous nationaux ni internationaux. Il aura fallu deux affaires d’hommes pour que la question des femmes afghanes vienne sur le devant de la scène : cet été, les talibans ont détruit les statues des bouddhas. Le 11 septembre, le neuvième fils de sa mère, époux de quatre femmes, dont une mineure, envoyait dix-neuf kamikazes s’écraser sur deux tours (le Coran promet à ces kamikazes une arrivée directe au paradis, accueillis par soixante-dix vierges…). Ces derniers jours, un dessin américain fait fureur sur Internet : des talibans lisent un télégramme sur lequel est écrit : « Livrez-nous Oussama Ben Laden, sinon on envoie vos femmes à l’école. »

La semaine dernière, un journaliste, caché sous un tchadri, tentait d’entrer en Afghanistan : il aura fallu cette guerre pour qu’il expérimente la réalité quotidienne d’un monde grillagé, limité, fermé, imposé sous peine de mort aux femmes afghanes. Avant cette guerre, il aurait pu entrer en tant qu’homme, tandis que ses collègues féminines ont toujours dû porter le voile dans ce pays pour exercer leur métier. Les femmes afghanes, celles qui sont encore en vie, après vingt-deux ans de guerre, ne sont pas seulement contraintes de vivre sous le voile, mais pleurent aussi leurs enfants : l’Afghanistan a le taux de mortalité infantile le plus élevé au monde. Les Afghanes meurent de ne pouvoir être soignées que par des femmes alors qu’on ne peut plus former de femmes médecins. Quant aux veuves, rappelons qu’elles ne peuvent se déplacer sans être accompagnées d’un homme, eût-il cinq ans. Aujourd’hui, quelle appréhension ont ces femmes de la situation internationale ?

Nous avons décidé de publier le manifeste des femmes afghanes, écrit par des résistantes, dans la clandestinité, dès 1996. On peut, en tant qu’anarchiste, ne pas être d’accord avec toutes leurs revendications ; mais il nous a semblé la moindre des choses, aujourd’hui, de nous faire simplement l’écho de leurs propres paroles.


Manifeste de soutien à la Déclaration des droits fondamentaux de la femme afghane

La plus grande violation des droits humains dans le monde est entrée en vigueur dans l’Afghanistan sous contrôle des milices talibanes par des décrets officiels. Si, depuis vingt ans, les conditions d’existence des femmes se sont considérablement dégradées, depuis 1994, le régime des talibans leur a officiellement enlevé le droit à l’éducation, au travail et même à la santé, ainsi que leur liberté de mouvement, les rendant pratiquement prisonnières dans leurs propres maisons, dans le dénuement matériel et moral le plus extrême.

Le 28 juin, plusieurs centaines de femmes afghanes, activistes de tous bords, représentatives de la nation afghane, se sont rassemblées à Douchanbe au Tadjikistan, pour écrire et promulguer la Déclaration des droits fondamentaux de la femme afghane. Par ce document, les femmes afghanes affirment et demandent pour elles-mêmes les droits qui leur sont assurés par la Constitution de l’Afghanistan de 1977 ainsi que les droits assurés à toutes les femmes par de nombreuses conventions et déclarations internationales. Les femmes afghanes rejettent les affirmations mensongères des milices talibanes selon lesquelles ces droits sont en contradiction avec la religion, la culture et les traditions de la nation afghane. La conférence de Douchanbe a été organisée à l’initiative de l’association NEGAR- Soutien aux femmes d’Afghanistan ; c’est une organisation internationale créée en 1996 par des femmes afghanes pour défendre leurs droits. Les membres de NEGAR sont des femmes afghanes de différentes parties du monde et des femmes non afghanes qui leur apportent leur soutien.

L’histoire récente a montré à maintes reprises que des régimes dictatoriaux tel celui des talibans ne se maintiennent que si le reste du monde demeure silencieux. Ne laissez pas votre silence permettre à cette tragédie des droits humains de perdurer ! Nous vous prions de faire tout ce qui est en votre pouvoir en intervenant auprès de vos responsables politiques et des instances internationales.

1. Pour que la Déclaration des droits fondamentaux de la femme afghane fasse partie intégrante du processus d’une paix juste, honorable et durable dans un Afghanistan indépendant et exempt de toutes sortes de racisme. Nous croyons que c’est ainsi que seront évitées d’autres tragédies dans l’avenir.

2. Pour que l’ONU exerce une pression efficace sur le Pakistan dont le soutien militaire, politique et financier rend le régime taliban possible.

3. Pour que le régime taliban ne soit jamais reconnu comme le gouvernement légitime de l’Afghanistan.